Dans sa lettre apostolique, Desiderio desideravi, le pape François revient sur la réforme liturgique du Concile Vatican II. Pour lui, l’objectif de cette réforme donne « la capacité de vivre pleinement l’action liturgique » (paragraphe 27 de la lettre apostolique). Il affirme que « les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, sont l’unique expression de la lex orandi du Rite romain » (31). Il exprime aussi qu’il n’est pas possible de revenir à la « forme rituelle » que les Pères du Concile ont senti la nécessité de réformer. Pour ces raisons, il a écrit Traditionis custodes (61).
Là se trouve la cause d’un regain de contestations de la part des tenants de la messe de Trente. Pour François, ce ne sont en rien de simples divergences esthétiques. « Il serait banal de lire les tensions, malheureusement présentes autour de la célébration, comme une simple divergence entre différentes sensibilités envers une forme rituelle » (31). D’où l’urgence, pour lui, de formation « pour » la liturgie et « par » la liturgie (34), car ce qui est en jeu c’est sa beauté toute particulière, son « art de célébrer ».
La vérité même de la liturgie
Une beauté qui, pour François, ne réside pas dans les chants, les vêtements, la langue, les postures… Pour lui, « la redécouverte continuelle de la beauté de la liturgie n’est pas la poursuite d’un esthétisme rituel qui ne prend plaisir qu’à soigner la formalité extérieure d’un rite ou se satisfait d’une scrupuleuse observance des rubriques » (22). Où réside alors cette « beauté » ? Dans « la vérité » même de la liturgie ! Une vérité que François met en exergue par trois verbes : célébrer, présider, devenir dont la portée théologique, concernant le salut, fait toute la différence d’avec la messe de Trente telle que promue par ses défenseurs.
Célébrer. Pour François, « l’action célébrative n’appartient pas à l’individu mais au Christ-Eglise, à la totalité des fidèles unis dans le Christ » (19). Pour lui comme pour le Catéchisme de l’Église catholique (CEC n°1140-1141) c’est « la communauté qui célèbre » (8), pas un célébrant seul, avec une assistance. Il évoque « nos assemblées qui se réunissent pour célébrer l’Eucharistie » (36), pas pour assister à la messe ou la suivre dans un missel. Il est on ne peut plus clair lorsqu’il affirme : « Rappelons-nous toujours que c’est l’Église, le Corps du Christ, qui est le sujet célébrant et non pas seulement le prêtre. » (36) Cela change tout par rapport à la conception du prêtre de rite tridentin, intermédiaire, sacrificateur et victime.
Le prêtre avec l’assemblée
Présider. Le prêtre a alors la charge de « présider » l’assemblée qui, elle, « célèbre ». Dans sa lettre, François ne parle jamais de célébrants mais de prêtres qui « président l’assemblée », du « service de la présidence », de la « délicatesse de la présidence », du « ministère de la présidence », de la « qualité de présidence », de « présider l’Eucharistie », de la « manière de présider »… Ceci apparaît très nettement aux numéros 54-57. Ainsi dit-il : « Le prêtre aussi est formé par le fait qu’il préside l’assemblée qui célèbre. » (56) Affirmation tout sauf anodine dans un document ayant pour objet la formation. « Présider », un verbe déjà employé par saint Paul !
Devenir. En quoi consiste alors cette formation « pour » et « par » la liturgie ? François écrit : « La pleine mesure de notre formation est notre conformation au Christ. Je le répète : il ne s’agit pas d’un processus mental abstrait, mais de devenir Lui. » (41) En parlant du Christ, Nouvel Adam, il dit : « nous sommes devenus l’os de ses os et la chair de sa chair » (14). Il continue en disant : « Notre participation au Corps et au Sang du Christ n’a d’autre fin que de nous faire devenir ce que nous mangeons. » (41) Et plus loin, parlant de « notre vie », il dit qu’ « il s’agit plutôt d’un itinéraire précis qui, d’une célébration annuelle de Pâques à une autre, nous rend conformes à Lui…» (64) « L’Esprit nous rend conforme à lui » (21) ! Le CEC l’exprime en disant que le Père (…) fait de nous des « christs » (n°2782), de nous tous, pas seulement des prêtres qui, eux seuls, seraient alter christus. Pour François, « le ministre ordonné est lui-même l’un des modes de présence du Seigneur qui rendent l’assemblée chrétienne unique, différente de toute autre assemblée » (57). L’un des modes de présence !
« Je voudrais que cette lettre, dit le pape, nous aide à raviver notre émerveillement pour la beauté de la vérité de la célébration chrétienne, à nous rappeler la nécessité d’une authentique formation liturgique, et à reconnaître l’importance d’un art de célébrer qui soit au service de la vérité du Mystère Pascal et de la participation de tous les baptisés à celui-ci, chacun selon sa vocation. » (62) Cet art de célébrer -au service de la vérité du Mystère Pascal- est ainsi au service de « la participation de tous les baptisés » à ce Mystère, c’est-à-dire finalement au service de la vérité du devenir Christ de l’Homme. Une identité à vivre, gage d’un Credo chrétien encore inédit.
SOURCE : Journal La Croix