Depuis déjà quelques temps, les signes de Noël sont apparus sur la place publique. Ils n’ont même pas attendu la neige. Ils se hâtent de nous rappeler qu’il ne faut pas attendre à la dernière minute pour acheter des cadeaux.
«Noël, fête des cadeaux!», disent ou souhaitent les enfants. «Noël, fête des cadeaux!», soupirent ou ragent les grandes personnes qui vont vider leur portefeuille au cours des prochains jours. Noël des traditions, mais surtout Noël des habitudes et des conventions. Au point qu’il faut parfois nous demander: Noël en lui-même est-il un cadeau? Recevons-nous quelque chose de Noël? De la fête sociale? Et, à plus forte raison, de la fête chrétienne? À ces questions, nous ne pouvons répondre qu’à partir de notre situation personnelle.
Pour chacun et chacune d’entre nous, le cadeau de Noël est lié étroitement à ce que nous attendons de l’événement, de ce 25 décembre. Plus largement, à ce que nous attendons de la vie, à ce que nous attendons de nous-mêmes et des autres, à ce que nous attendons de Dieu.
Attendre, c’est exprimer qu’il nous manque quelque chose. Attendre, c’est reconnaître que nous ne sommes pas comblés. Attendre, c’est avouer une pauvreté qui nous habite. Attendre, c’est pointer du doigt une absence et, du même coup faire l’expérience de notre solitude.
Nous vivons beaucoup de l’attente qui nous habite. Dis-moi ce que tu attends et je te dirai ce qui te fait vivre. Quiconque ne désire rien, quiconque n’attend plus rien perd le goût de vivre. Il perd son dynamisme. Au contraire, quiconque attend quelque chose vit avec passion; quiconque espère ne manque pas d’énergie. Sa vie a du ressort. Jean Cocteau, un poète passionné, disait un jour sous forme de dialogue:
«– Si le feu prenait chez vous, qu’emporteriez-vous?
– J’emporterais le feu!»
Les prophètes ont été des hommes de feu, des hommes de passion, des hommes d’attente. Isaïe a traduit son attente en rêvant à la paix qu’il ne pouvait partager avec son peuple. Au coeur de l’exil et de la guerre, le prophète proclamait pour la multitude des peuples: «De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on ne s’entraînera plus pour la guerre.» (2, 4)
Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de cette attente dans nos propres désirs: les Iraquiens attendent la paix. En Côte-d’Ivoire, on espère là aussi la paix. En Ukraine, on descend dans la rue pour la justice et la paix. Partout où la guerre fait ses victimes, on attend la paix. Mais nous voulons aussi des relations harmonieuses avec nos proches, la joie dans nos relations interpersonnelles. Et davantage encore, la sérénité en nous-mêmes.
Nous croyons que l’histoire n’est pas en perpétuelle répétition. Nous croyons, au contraire, que l’histoire avance vers la réalisation de l’humanité et de son bonheur. Les nouvelles qui nous parviennent de partout sur la planète nous disent le contraire. Les foyers de guerre se multiplient et annoncent plutôt la destruction de l’humanité. Mais nous osons croire au rêve des prophètes. D’autant plus que nous croyons que c’est le rêve de Dieu, c’est son attente à lui. Ce que nous attendons au plus profond de nous-mêmes, Dieu en fait pour nous une promesse.
L’incarnation du Christ nous révèle que Dieu mène l’histoire et qu’il veut la mener avec nous. Il compte sur nous pour fondre les épées et en faire des socs de charrue. Dieu veut réaliser la paix avec nous.
Utopie, dira-t-on, rêve imaginaire. Peut-être. Mais l’humanité a déjà fait de grands pas à cause de petits rêves, des rêves que certains ont pris au sérieux alors que d’autres les trouvaient chimériques. L’utopie sauvera le monde.