À la jointure entre le temps pascal et ce que nous appelons le temps ordinaire, la liturgie a placé la fête de la Sainte Trinité: une fête pour célébrer la face cachée de Dieu. Depuis le temps de l’Avent, en passant par Noël, le carême, jusqu’à Pâques et la Pentecôte, le Christ a marché avec nous. Nous avons découvert que nul ne va vers le Père sans passer par lui (Cf. Jean 14, 6). Dieu s’est donc manifesté à nous à travers les événements qui ponctuent le voyage terrestre de Jésus de Nazareth.
Un jour, Philippe a demandé à Jésus: «Montre-nous le Père et cela nous suffit.» Jésus a répondu: «Je suis avec vous depuis si longtemps, et cependant, Philippe, tu ne m’as pas reconnu! Celui qui m’a vu a vu le Père.» (Jean 14, 8.9)
La face cachée de Dieu
Nous voulons bien entendre Jésus et accepter de voir en lui le chemin incontournable pour aller à Dieu. Nous voulons bien scruter les évangiles, lire les discours des apôtres dans les Actes des apôtres, méditer les lettres de saint Paul et de tous les autres. Nous pouvons parcourir les ouvrages des grands théologiens et fréquenter les cerveaux illustres de notre époque. Force nous est de constater, cependant, que nous en sommes toujours au b-a ba sur Dieu. La face cachée de Dieu est plus grande pour nous que ce que nous en voyons.
Dieu ne s’impose pas à nous. C’est par petites bribes qu’il se présente, en étincelles dans la nuit de nos doutes et de nos hésitations. Notre intelligence peut jeter un regard lucide sur la plupart des réalités qui nous entourent et même au-delà des espaces intersidéraux que nous habitons. Quand il s’agit de Dieu, nous nous approchons à peine du rivage de son immense continent.
Un psaume cite un incroyant qui demande au psalmiste: «Où est ton Dieu?» (Psaume 42(41), 4) Le psalmiste évoque sa tristesse à ne pouvoir répondre: «Jour et nuit, mes larmes sont mon pain». Que de gens subissent dans l’angoisse et même la peur leur incapacité à répondre à une telle question. Les mystiques et les grands saints l’abordent plus sereinement, mais ils s’épuisent à désirer: «J’ai soif de Dieu, du Dieu vivant: quand pourrai-je entrer et paraître face à Dieu?» (Psaume 42(41), 3)
Nous sommes biens conscients que la rencontre de Dieu est impossible si nous cherchons à nous approcher de lui par nos propres moyens. Seul Dieu peut nous hausser jusqu’à lui. Jésus en fait même une promesse: «Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière.» (Jean 16, 13)
Consentir à Dieu
Pour rencontrer Dieu, il nous faut donc consentir à lui, nous abandonner à lui, accepter que son Esprit nous entraîne au-delà des frontières de notre intelligence, accepter de dépasser le raisonnable, accepter de dépasser le «croyable»!
Dieu est et ne peut être que l’incroyable en qui nous croyons. La quête de Dieu est un immense paradoxe. Ce paradoxe suppose, au point de départ, un saut dans l’inconnu. Tout nous invite à nous engager dans les sentiers terrestres, palpables, évidents ou accessibles par notre intelligence. Dieu ne se laisse reconnaître qu’à ceux qui acceptent non pas d’abandonner leur intelligence, mais de laisser l’Esprit entraîner celle-ci plus loin encore qu’elle ne peut aller toute seule.
À ce stade-ci de notre démarche spirituelle, nous ne pouvons que nous étonner et rendre grâce en reprenant la question d’un autre psaume: «Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui? Le fils d’un homme que tu en prennes souci?» (Psaume 8, 5).