Ces jours-ci, les médias nous communiquent des images du Soudan. Le pays traverse une période de conflits. Ces conflits provoquent d’énormes déplacements de population. On nous montre des foules nombreuses de femmes, d’enfants, de vieillards, à peine protégés par des abris de fortune, affamés, privés d’eau potable, malades, sans secours.
Des situations semblables existent dans d’autres parties de la planète. Nous sommes au courant pour certaines; nous en ignorons d’autres. Pour plusieurs de ces pays, l’aide internationale – quand il y en a – est nettement insuffisante. Pendant ce temps, chez nous, au Québec, on détruit des tonnes de lait qui n’ont pu être consommées parce qu’on établit des quotas sévères ou parce qu’on vit un conflit syndical. Les vidangeurs, pour leur part, ramassent, le long des rues, des milliers de sacs de nourriture que nous abandonnons aux rats et aux goélands des dépotoirs.
Actuellement, notre pays est en période d’élections. Chaque parti met de l’avant son programme. Dans ceux-ci, il n’existe pas beaucoup de place pour les besoins du reste du monde.. On concentre l’attention plutôt sur les attentes et les intérêts immédiats des canadiens et des canadiennes. On ne se montre pas très sensible au sort des peuples en difficulté.
La liturgie nous propose une fête de l’eucharistie. À première vue, certains diront que nos célébrations ne valent pas mieux que les programmes des partis politiques. Les propos que nous tenons dans nos eucharisties, les prières que nous adressons à Dieu, les chants que nous interprétons ne sont pas toujours enracinés concrètement dans le terreau quotidien. Nos liturgies ne se font pas toujours l’écho des détresses que traverse l’humanité. Elles ne nous mobilisent pas toujours.
Et pourtant, Dieu ne cesse de nous appeler en s’associant aux cris qui montent de la terre, aux gémissements de la misère humaine. Il met à notre disposition les richesses naturelles qu’il a créées. En nous faisant don de toute cette nature, il nous dit: «Heureux les invités au repas du Seigneur». Heureux tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants. C’est pour eux que la table est dressée. C’est pour eux que poussent les céréales, les légumes et les fruits. C’est pour eux que les vaches donnent du lait et que les poules pondent des oeufs. Vérité élémentaire, me direz-vous. Bien sûr, mais parfois nous avons l’impression de l’avoir oubliée.
Certains pays, comme le nôtre, sont plus chanceux que d’autres. Malgré nos déboires économiques, nous faisons partie de ceux qui ont les moyens de changer les choses. Et nous pouvons entendre Jésus nous adresser l’appel qu’il lançait à ses apôtres: «Donnez-leur vous-mêmes à manger»! Autrement dit: prenez vos quelques pains et vos petits poissons et multipliez-les. Et n’ayez crainte: il en restera une bonne douzaine de corbeilles.
Et , du coup, nous aurons porté l’eucharistie au bout d’elle-même. Elle aura donné sa pleine mesure car sa véritable mesure ne va pas sans l’amour, le partage, la solidarité, la compassion. Le pain que nous partageons ne peut être véritablement le corps du Christ qu’en devenant l’amour, le partage, la solidarité et la compassion que nous aurons les uns pour les autres. Rendre grâce à Dieu en rendant aux autres la grâce que Dieu nous a faite. Passer de la table fraternelle des disciples du Christ à l’immense table des pauvres.
«Vous ferez cela en mémoire de moi», dit Jésus. Dans le partage et la solidarité, vos corps seront livrés, votre sang sera versé pour vous et pour la multitude. Ainsi seront réalisées la rémission des péchés et l’alliance nouvelle et éternelle. Oui, il est grand le mystère de la foi, vaste comme le monde, infini comme le coeur de Dieu.