On a fait du 18 avril le jour commémoratif de l’Holocauste Yom ha-Shoah. Une journée pour ne pas oublier la monstruosité qui a entaché tout le siècle dernier. Une journée pour nous souvenir d’une horreur qui fait la honte de toute l’humanité même si elle n’a été perpétrée que par quelques-uns.
Nous voulons nous souvenir pour ne pas répéter. Connaître et assumer l’histoire, c’est aussi se donner la chance de ne pas recommencer. Et pourtant, la violence, la haine, les racismes de toute sorte, l’intolérance, la torture continuent de faire leurs ravages dans le monde. Les journaux nous en offrent le témoignage à pleine page, chaque jour. Des foyers de guerre brûlent en différents coins de la planète.
Jusqu’à la destruction du mur de Berlin et la disparation de l’Union soviétique et de son système communiste, la terre se divisait en deux grandes factions rivales. La peur entretenait la guerre froide entre les nations communistes et les capitalistes. Depuis lors, le terrorisme a pris le relais. Nous continuons à nous surveiller mutuellement. Les ennemis ont changé de clans, mais ils restent présents. Les oppositions ont tout simplement changé de noms et de méthodes d’intervention.
La violence dort sur le paillasson. Au moindre bruit, au moindre mouvement, elle jappe comme un vieux chien bien conditionné. Elle surgit souvent comme un simple réflexe de la haine. Une sorte d’automatisme. Le violent réagit pour éloigner l’ennemi, pour exprimer sa haine, pour affirmer une quelconque supériorité, pour protéger son domaine ou sa place dans la hiérarchie des peuples. Bref, derrière les actions et réactions violentes, il y a la peur. Les prétextes de faire la guerre ou d’entretenir des conflits sont multiples, mais la peur demeure le motif ultime, la cause principale de toute intervention violente.
Les richesses de l’autre peuvent aussi nous entraîner à la violence. «On devient violent aussi parce qu’on désire ce que possède l’autre. Mais peut-être plus encore, parce que c’est l’autre qui le possède? On en vient à vouloir éliminer l’autre parce qu’on désire ce qu’il désire, et parce qu’il le désire.» (Fêtes et saisons, avril 1990, p. 7)
Collectivement, la violence est organisée. Elle est instituée et encadrée. On parle alors de «violence structurelle». Des structures économiques ou sociales peuvent agir sur les personnes avec autant de violence que des haines directes. C’est souvent en attaquant la dignité humaine qu’elles blessent ou tuent les individus. Les forces politiques ou militaires peuvent réprimer tout désir de liberté, et réprimer jusqu’à la torture. Dans certains pays du monde – et même des pays aux civilisations raffinées, même des pays amis –, la torture est érigée en moyens de défense officiels et choisie pour soit disant protéger la société, protéger les citoyens. «Des idéologies totalitaires exercent une violence symbolique en faisant des personnes de purs instruments d’une Cause élevée au rang d’absolu: Parti (voir: le stalinisme), Religion (cf. l’intégrisme musulman), Nation (cf. la doctrine de la Sécurité nationale imposée par certains dictateurs d’Amérique latine). Des stratégies armées prétendent établir la justice et la paix en utilisant des moyens en contradiction avec ces fins: terrorisme, massacres de civils, etc…» (Ibid.)
La violence est complexe. Ses structures sont raffinées, ses méthodes bien définies. Chaque pas en avant demande une vigilance de tous les instants pour ne pas être suivi de deux pas en arrière. Le combat contre la haine est difficile. Nous oublions trop facilement que toute violence nie l’être humain, autant celui qui attaque que celui qui est attaqué.
Mais la violence et la haine ne sont pas une fatalité. Les êtres humains ont trop faim d’affection pour ne pas, un jour ou l’autre, céder à l’amour, ouvrir les bras, tendre la main, proposer l’armistice. Ce jour-là ne peut être qu’un grand jour, même si l’action fraternelle est limitée. La planète tout entière ne peut parvenir à la paix sans chacune de ces petites avancées, même les plus cachées. La paix et l’amour ne gagnent du terrain sur le désert de la violence que grain de sable par grain de sable.