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Éditorial

Du non-savoir

Imprimer Par Paul-André Giguère

La recherche spirituelle est guidée dans une large mesure par une ardente soif de connaître. Les Grecs nous ont laissé l’exhortation Connais-toi toi-même . La Bible s’ouvre en présentant l’arbre de la connaissance du bien et du mal planté au milieu du jardin d’Eden (Genèse 2 9) et multiplie les invitations à connaître sagesse et discipline, pénétrer les discours profonds, acquérir une instruction éclairée, trouver le savoir-faire, le savoir et la prudence (Proverbes 1 2-4).

Connaître Dieu représente le but ultime de la quête spirituelle. Lorsque le prophète Jérémie entrevoit l’alliance nouvelle que Dieu établira avec son peuple, il ne craint pas d’écrire : Ils n’auront plus à s’instruire mutuellement, se disant l’un à l’autre : Ayez la connaissance de Yahvé ! Car tous me connaîtront, du plus petit au plus grand (31 34). Aussi bien l’évangile de Jean peut-il faire dire à Jésus : La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul véritable Dieu, et ton envoyé Jésus Christ (17 3). Déjà, quelques décennies plus tôt, saint Paul avait témoigné de la lumineuse richesse à laquelle donnait accès l’existence chrétienne. Vous pourrez mener une vie digne du Seigneur et qui lui plaise en tout : vous produirez toutes sortes de bonnes oeuvres et vous grandirez dans la connaissance de Dieu (Colossiens 1 10). Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaître ! Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel… (Éphésiens 1 17-18).

Le christianisme occidental sort difficilement d’une longue période où son trésor de sagesse spirituelle est demeuré presque réservé à quelques initiés, généralement des moines et des religieux. Pour la majorité, il ne semblait présenter que des doctrines figées et des pratiques sclérosées auxquelles il aurait fallu adhérer sans contestation. Heureusement, on redécouvre maintenant la richesse de sa tradition spirituelle.

Celle qui conduit à connaître, oui, sans doute. Mais surtout, peut-être, celle qui initie à ne pas connaître. Un des grands traités spirituels de l’histoire chrétienne, écrit en Angleterre autour du 13e ou du 14e siècle ne porte-t-il pas le titre fascinant : Le nuage d’inconnaissance (The Cloud of Unknowing) ? Il se rattache à une tradition très ancienne dont on trouve déjà des traces au 6e siècle avant Jésus-Christ chez le prophète juif Esaïe : D’après qui pourriez-vous imaginer Dieu ? Et quelle image pourriez-vous en offrir ? (40 18). Au 9e siècle de notre ère, un Scot Erigène y fait écho : On ne peut rien dire d’approprié au sujet de Dieu. Il est difficile de lui appliquer un seul nom, verbe ou membre de phrase, au sens strict, de façon convenable. Comment, en effet, des signes visibles, intimement dépendants qu’ils sont de la matière, pourraient-ils parvenir à exprimer correctement la nature invisible qui n’a de rapport avec aucun sens corporel ?

Avec une certaine parenté avec les maîtres zen, les spirituels chrétiens nous enseignent à nous disposer, dans le recueillement, à dépasser la connaissance de ce qui peut être connu (et) entrer dans l’ignorance de ce qui ne peut qu’être ignoré (Marcel Légaut, Prières d’homme, Aubier 1978, p.62). Tout savoir spirituel achemine vers le seuil du non-savoir. Là où l’esprit s’arrête, dans le silence, en présence du mystère que nous sommes à nous-mêmes, du mystère qui nous entoure et du Tout Mystérieux.

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