Le respect! S’il y en avait sur cette terre un peu plus, beaucoup de guerres ne verraient jamais le jour. Pourquoi les conflits surgissent-ils entre nous deux? Principalement pour une chose: toi ou moi, ou les deux, nous n’avons pas reconnu l’autre tel qu’il se présentait.
Qui es-tu, toi qui te tiens devant moi? Un homme, une femme… Un être vivant… Une tête, un coeur, un corps… Un être de chair et d’esprit… Quelqu’un qui a des sentiments, qui vit des émotions… Tu es là avec ta souffrance, tes souffrances. Tu es là devant moi avec toute ta liberté. Et qui dit liberté, dit aussi droit de prendre la parole, droit d’avoir une opinion, droit d’être reconnu comme tu es… Tu es là devant moi, avec tes expériences de vie personnelle, ton histoire à toi. Mais tu ne serais rien, rien que ta soif, rien que ta pauvreté, que je devrais m’incliner devant toi comme je rends hommage aux hommes et aux femmes de grande envergure.
Tu peux autant que moi, autant que les autres, fouler le sol de la planète. Tu viens de quelque part et tu as droit de te trouver quelque part; tu as droit à une patrie. Il est normal _ au sens que c’est une norme _que tu aies un travail qui te permette d’apporter ta contribution à l’édification du monde. Tu as droit de rassasier ta faim et de dormir décemment. Tu as droit à la gratuité de l’amour et du bonheur. «Je serais incapable de m’intéresser aux Droits de l’homme, affirme Guy Aurenche, si je n’éprouvais pas, au plus profond de moi, et d’abord, la certitude que chacun de nous est tendu vers la beauté, la sagesse, le bonheur. Que nous n’y parvenions pas toujours n’enlève rien à notre désir.» (Guy AURENCHE, La dymanique des Droits de l’homme, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 19) Ce peut paraître paradoxal, mais tu as droit à la gratuité, qu’on s’adresse à toi au-delà de tes valeurs. Pour rien, seulement parce que c’est toi…
Qui suis-je pour te refuser d’être ce que tu es? Qui suis-je pour m’installer au-dessus de toi en maître et en puissant, en considérant que tu ne mérites pas d’attention? Quand je te croise, il n’est pas nécessaire que nous devenions des amis, mais je ne peux t’interdire d’emprunter le trottoir où je marche. Je ne peux ni croire ni dire ni même penser que tu n’es pas un être humain.
La politesse que j’ai pour toi dessine la chorégraphie du respect que je dois te porter. Souvent, nous levons le nez sur les règles de politesse. Nous les trouvons affectées. Elles favoriseraient les rapports artificiels. Nous les accusons de nourrir l’hypocrisie. Il peut y avoir du vrai dans de telles affirmations. Mais, fondamentalement, la politesse nous permet de nous respecter l’un et l’autre. Elle veut nous faire reconnaître la grandeur des relations humaines et créer entre nous des échanges de qualité. La présence de l’autre nous est toujours offerte comme un don, l’occasion d’accéder à un mystère qui révèle le nôtre, un temps de partage de nos richesses respectives.
Dans mon enfance, ma mère m’a appris à ne jamais rire ou ridiculiser les gens qui croisent ma route. Elle disait: «C’est peut-être Jésus.» J’ai appris alors à reconnaître le Christ dans toute personne. Mais le Christ m’a appris à son tour à donner toute leur importance aux personnes, qu’elles me renvoient ou non à lui. Chaque être a droit à mon attention, dans ma foi comme au delà de celle-ci. C’est une des grandeurs du christianisme que de donner tout son poids à toute réalité créée, et surtout à toute personne humaine. Dieu regarde le coeur et son regard nous invite à dépasser les apparences.