Ces jours-ci, les catholiques célèbrent le quarantième anniversaire de l’ouverture du concile oecuménique Vatican II. Déjà quarante ans, me direz-vous! Les effets de ce grand événement nous sont tellement présents que nous avons l’impression que la dernière session conciliaire vient à peine de se terminer.
Avons-nous tout le recul nécessaire pour en faire une bonne analyse? Les journaux et les revues publient la réflexion de grands spécialistes. Des propos, pour la plupart, fort pertinents. Ce billet veut ajouter son grain de sel.
La plupart des chrétiens _ qu’ils soient catholiques ou non _ diront que la liturgie est la plus grande révolution opérée par le concile. Il est vrai que le changement a été retentissant. Le jour et la nuit. Les jeunes générations ne peuvent imaginer l’écart entre autrefois et maintenant. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour réaliser pleinement les attentes des pères conciliaires. Peut-être surtout des conversions intérieures, un changement de mentalité à opérer, de vieux réflexes à abandonner.
Le concile a ouvert de nouveau la Bible. Depuis quelques siècles, celle-ci dormait paisiblement au fond des tiroirs. On cherchait et trouvait ailleurs la Parole de Dieu, négligeant ce lieu principal où Dieu s’adresse à son peuple, à nous. Le mouvement de retour à la Bible était lancé depuis plusieurs années, notamment grâce à l’École biblique de Jérusalem. Mais Vatican II a canalisé la réflexion et dynamisé les efforts en ce domaine. Au point que nous nous demandons maintenant: comment avons-nous pu ignorer aussi longtemps ce qui est au coeur de notre foi, ce qui la nourrit et en donne le sens?
Jean XXIII et, après lui, Paul VI ont soutenu le dialogue oecuménique qui, jusque-là, se faisait plutôt discret. De formidables rapprochements ont été opérés dans le cadre du concile. Les déclarations, les décrets et autres messages sur la question ont conduit à une meilleure compréhension mutuelle. L’unité est possible, nous y croyons même si les pas sont lents. Surtout peut-être parce qu’ils sont lents, car les apprivoisements demandent du temps. Nous connaissons aussi d’autres rapprochements grâce au concile et dans son prolongement: avec les juifs, les musulmans, les bouddhistes. Jean-Paul II a poursuivi la démarche, notamment dans les rencontres d’Assise, rencontres qui ont suscité d’autres initiatives semblables un peu partout à travers le monde.
Le concile a bousculé les choses, les institutions, surtout les personnes. Les changements sont énormes. Ils sont réalisés rapidement, à la vitesse des transformations sociales. Certains le regrettent. D’autres considèrent qu’il y a là une grâce, la principale grâce du concile. L’Église est redevenue itinérante. Elle a repris le bâton du pèlerin. Elle s’est engagée sur la route de ses ancêtres pour un nouvel exode. À la suite du Christ, elle veut résolument marcher vers Jérusalem, vers une terre que Dieu continue de promettre, une terre toujours en avant, une promesse qui garde constamment en marche.
Au pied du Sinaï, à attendre Moïse, les Hébreux ont fini par réinventer des idoles. Une Église qui s’arrête de marcher risque facilement de créer de nouveaux absolus et de perdre sa nature. Elle risque de ne plus être en cheminement.
C’est dans la liberté que nous inspirent les béatitudes que nous devons continuer de changer. Nous le ferons non seulement pour être fidèles au concile Vatican II, mais aussi parce que Dieu nous veut en marche, parce que le Christ nous entraîne dans son propre pèlerinage, parce que l’Église ne peut continuer de vivre qu’en gardant son regard tournée vers l’avenir, dans l’attente active de son Seigneur. Changer, c’est vivre, comme dirait l’Esprit Saint!