Y a-t-il quelqu’un sur cette planète qui n’associe pas spontanément le 11 septembre à l’attentat contre le World Trade Center à New York en 2001? Y a-t-il quelqu’un sur cette planète qui ne se sente pas concerné par le terrorisme? Pour en avoir peur? Pour s’en défendre? Pour le souhaiter? Pour y participer? D’un côté comme de l’autre, victimes ou agresseurs, nous sommes atteints par le phénomène de la violence et de la terreur.
Ces jours-ci, les journaux et les émissions d’affaires publiques analysent presque ad nauseam ce qui s’est passé l’an dernier et tout au cours des douze derniers mois. «Tout n’est plus comme avant!», finit-on par conclure…
Tout n’est plus comme avant et pourtant nous agissons et réagissons comme avant… Le tango de la violence reproduit en 2002 les pas de danse qu’il a inventé à l’apparition des premiers humains. Les partenaires se giflent à qui mieux mieux. Pierre frappe André. André réagit spontanément en frappant à son tour. Gifle pour gifle? Pas tout-à-fait. À une première gifle, André en ajoute une deuxième pour essayer de contrôler Pierre par la force. Mais Pierre ajoute trois gifles pour avoir le dessus lui-même. Et ainsi de suite. On appelle cela: une escalade.
L’escalade de la violence!
Les humains ont cette drôle de manie de se copier sans cesse. Surtout quand il s’agit de la haine, de la terreur, de la vengeance. Les savants ont mis au point le clonage des animaux et certains rêvent d’en faire autant chez les humains. Leur trouvaille, cependant, n’est pas neuve. Nous faisons du clonage depuis qu’il existe deux êtres humains sur cette planète. Nous avons inventé la concurrence en essayant de nous dépasser mutuellement: «Caïn sera vengé sept fois mais Lamek soixante-dix-sept fois» (Genèse 4, 24). Pour exercer un certain contrôle, Moïse a inventé (en collaboration avec Dieu, bien sûr!) la loi du talion: «Si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure» (Exode 21, 23-24). Nette changement dans le traitement de la vengeance, mais copie encore. Copie conforme même!
Il paraît que nous aurions le mime inscrit dans nos gênes. Nous serions plus singes que nous le pensions! C’est le philosophe et anthropologue René Girard qui le dit: «L’erreur est toujours de raisonner dans les catégories de la ‘différence’, alors que la racine de tous les conflits, c’est plutôt la ‘concurrence’, la rivalité mimétique entre des êtres, des pays, des cultures. La concurrence, c’est-à-dire le désir d’imiter l’autre pour obtenir la même chose que lui, au besoin par la violence. Sans doute le terrorisme est-il lié à un monde ‘différent’ du nôtre, mais ce qui suscite le terrorisme n’est pas dans cette ‘différence’ qui l’éloigne le plus de nous et nous le rend inconcevable. Il est au contraire dans un désir exacerbé de convergence et de ressemblance. Les rapports humains sont essentiellement des rapports d’imitation, de concurrence.» (Le Monde, 6 novembre 2001)
Quand l’ennemi a frappé, le cow-boy américain a sorti ses fusils et il se garde le doigt nerveux, pas loin de la gâchette. Il est prêt à tirer sur tout ce qui bouge. Après tout, il a le monopole sur son cinéma. Pas question qu’on le copie sans qu’il copie à son tour, et en mieux. Ces jours-ci, il cherche tout ce qu’il pourrait déplumer. Il préférerait scalper des mannequins de vitrine plutôt que de laisser la vedette à l’adversaire. Bref, notre voisin et pseudo-allié veut faire peur, plus que tous les Ben Laden de la terre.
Une autre voie
Il n’y a pas d’avenir dans le mime et la copie conforme! Surtout quand il s’agit de violence et de terrorisme. Les humains ont l’instinct de domination ancré au fond du coeur. Si cet instinct n’est pas canalisé, il peut les détruire. Rien de moins.
N’y a-t-il pas d’autres façons de partager la planète? N’y a-t-il pas d’autres moyens d’entrer en relation les uns avec les autres sur cette terre? Un certain Jésus (il y a plus de 2000 ans!) a prôné une idée, une autre voie: le pardon et même l’amour des ennemis!
Danger à l’horizon, direz-vous! Avec une telle idée, finie alors la justice et vive la persécution? Non, si le pardon est dialogue et recherche de vérité. Non, si l’amour de l’ennemi est guérison mutuelle des belligérants. Non, si le pardon et l’amour font chercher les causes profondes au lieu de se contenter de cataplasmes superficiels. L’idée de Jésus est utopique, il faut en convenir! Mais son utopie s’appuie sur une confiance et une conviction: chaque être humain porte en lui-même assez de bonté pour inventer de l’harmonie et construire la paix avec les autres.