Le champ était vaste, légèrement ballonnant. Le soleil se mirait partout. Ça sentait le bon foin coupé. Et il y avait du vent, un beau vent pour apaiser la chaleur.
Marc et Rémi arrivèrent en courant, laissant traîner derrière eux leur rire d’enfants comblés.
Viens-tu jouer au cerf-volant avec nous?
Et ils me montrèrent leur oiseau de papier, un beau grand cerf-volant tout bigarré aux couleurs chaudes et lumineuses comme on se bariole le visage les jours de fête.
Je devais avoir l’air naïf d’un ignorant puisque Marc se lança dans une longue explication sur le fonctionnement du cerf-volant. Moins bavard, Rémi monta sur un tas de roches et se mit en place pour le lancement.
Au départ, l’oiseau recula brusquement, frappé de plein ventre par le vent. Il titubait de gauche à droite, à hauteur d’homme. Il semblait hésiter. Avec beaucoup de prudence, Marc lui donna un peu de corde. Il s’éleva lentement, majestueux, plein de dignité. Et il montait, montait, montait jusqu’à ne plus être qu’une tache dans le ciel.
À ras de sol, Rémi mimait la danse du cerf-volant, au rythme de ses cris et de ses rires.
C’était magnifique!
Une demi-heure plus tard, nous étions tous les trois assis dans le foin à rouler la corde et à nous remettre de nos émotions. Après quelques secondes de silence, Marc nous avoua: Si je n’étais pas un garçon, je voudrais être un cerf-volant. J’aimerais monter haut dans le ciel, très haut pour voir toute la terre d’un seul coup d’oeil. Et je me chamaillerais avec le vent; je le mordrais à pleines dents pour m’emplir le ventre. Je planerais comme les goélands et je jouerais tout le temps, tout le temps.
J’écoutais la confidence de Marc et j’entendais comme en écho un billet que j’avais lu la veille:
Nous sommes embarqués pour une aventure éternelle. La vie est mouvement, départ, arrivée, recommencement, automne, hiver, printemps, été. Pour y être accordé, il faut vivre à son rythme.
J’ai décidé de vivre dans la certitude d’un lendemain. J’ai décidé d’être heureux au maximum du jour d’aujourd’hui. J’ai décidé de ne plus me laisser prendre au mirage qui me laissait croire que tout m’échappait, que je vieillissais, que tout m’abandonnait, que ma solitude se creusait. J’ai décidé de ne plus considérer les années comme les chiffres sur le cadran d’une horloge. J’ai décidé de ne plus attendre… de vivre. J’ai décidé d’accepter enfin ce que Dieu veut pour moi. Que la vie soit pour moi un continuel recommencement sur un registre sans cesse nouveau… éternellement. (Jean Harang)
On devrait donc jouer au cerf-volant plus souvent pour réapprendre à vivre…