Cet après-midi, tu vas recevoir le baptême. Et tes parents m’ont proposé de devenir ton parrain. Ils souhaitent que je les accompagne dans l’éveil de ta foi et dans ton éducation religieuse.
Lourde tâche qui m’est offerte. Ce n’est pas que je manque de compétence dans le domaine. Je l’ai cette compétence, et je l’enseigne à d’autres. Mais instinctivement, pour ainsi dire, je me demande si je serai à la hauteur. Tu es un être humain. Ta personnalité est en train de se forger. Déjà tu exerces une certaine liberté qui ira en s’agrandissant au fil des années. Pourrai-je te respecter dans ce que tu es? Serai-je suffisamment attentif à tes appels comme à tes silences?
Il me faudra proposer et non imposer, dévoiler sans dicter. La foi est un choix de vie qui relève de la liberté de chacun. Personne ne croit par obligation. Peut-être par séduction, quand Dieu conduit quelqu’un au désert pour lui faire la cour! Mais jamais par force. Dieu veut être aimé, et aimé en toute liberté.
Quand nous parlerons ensemble de Dieu, j’éviterai _ du moins je l’espère _ d’utiliser le vocabulaire de l’évidence. Mais tu comprendras qu’il m’arrivera souvent d’évoquer sa présence avec passion et conviction. Je découvre avec les années que son amour à mon égard dépasse ce que je peux en deviner. Et que sa relation avec moi vient éclairer ma vie. En nous côtoyant, tu devineras sans doute quelque chose de mon expérience de croyant. Je souhaite que mon témoignage t’éclaire sur ta propre expérience, qu’il te donne le goût d’essayer le voyage et de le poursuivre.
Je tiens à te dire tout de suite que Dieu ne va pas de soi, ni non plus les chemins par où il entre en relation avec nous. Tu douteras souvent. C’est non seulement normal, mais nécessaire. La foi vit de doutes, de questions, de recherches. Elle ne se satisfait pas des réponses qu’elle trouve ni des certitudes qui se dégagent d’une étape à l’autre. C’est comme un verre d’eau qui donnerait la soif plutôt que de désaltérer.
Tu me diras: à quoi bon plonger dans le mystère de Dieu si c’est pour demeurer insatisfait, jamais comblé? Je te répondrai: l’être humain ne vit pas de ses rassasiements mais de ses soifs. Nous sommes des êtres de désir. C’est le creux en nous qui nous définit. C’est la pauvreté qui traduit ce que nous sommes. Et qui fait notre richesse, notre chance, notre grâce. Nous demeurons en mouvement, en marche _donc vivants! _ parce que nos découvertes nous conduisent à chercher plus loin.
Donc, laisse-toi séduire par les questions qui surgiront en toi. Certains jours, elles t’angoisseront. Par exemple, quand tu penseras à la mort! Apprivoise tes angoisses. Ne leur permets pas de te paralyser. Que la peur ne te contrôle pas. Au contraire, c’est à toi d e la maîtriser, d’en faire un tremplin pour rebondir. Abandonne-toi à la vie, à ce qu’elle t’apporte. Fais confiance. Sans naïveté bien sûr, mais confiance! Tu trouveras en toi les forces, les ressources pour gravir les montagnes abruptes et contourner les précipices dangereux.
Je te dis tout cela en pensant aux capacités qui t’habitent et à celles que tu vas acquérir au cours des années. Mais je le dis surtout en pensant à Dieu qui t’accompagne déjà. Il ne te laissera pas tomber. En t’offrant le baptême aujourd’hui, il te tend les bras. Il veut être le compagnon de ta vie comme nous essayerons, tes parents, ta marraine et moi, de marcher avec toi le plus longtemps possible.
Bonne route, mon cher Timothée!