La terre ne joue plus au ballon parmi les étoiles de sa galaxie. Elle fait la guerre, de vraies guerres avec de vrais ennemis, des vrais morts, des vraies veuves, des vrais orphelins. Rien que du vrai! De l’authentique haine!
On ne rit plus, on pleure. On hurle, on angoisse. Ça dure depuis si longtemps en certains endroits que des grands _ et pas seulement des petits _ n’ont jamais goûté à autre chose que des conflits. C’est dans l’ordre de la normalité. Les attentats sont devenus de banals incidents. On s’habitue à tout, même à la peur.
Et dans les pays encore tranquilles, on compense par des meurtres de conjointes, des tortures d’enfants ou de vieillards. Les cinéphiles sont mal à l’aise ou ricanent quand les films ne comportent pas de scènes de violence.. On bouffe quotidiennement du bulletin de guerre. Du terrorisme flambé au cognac!
Bon, j’exagère, je l’admets! Je verse dans la caricature, c’est vrai! Mais la caricature accentue; elle ne ment pas totalement.
Tournons la médaille. L’envers me dit: il y a, quelque part, dans cet immense champ de bataille, un olivier qui pousse et déploie ses branches noueuses. Il résiste aux rafales des mitraillettes. Il tient bon malgré les bombes à fragmentation. C’est têtu pour des siècles et des siècles, un olivier!
Autour de lui voltige une colombe. Blanche comme la paix. De temps à autre, l’oiseau casse une branche parmi les plus tendres. Il vole vers tous les coins du monde. L’odeur de l’olivier réveille le désir de concorde. Parfois, la bouture prendre racine dans les jardins où elle tombe. Fragiles racines qui s’entêtent et s’agrippent à la terre pour vivre. Elles veulent devenir arbuste, puis grand arbre, puis forêt. Rien de moins. Rêve naïf, démesuré, déraisonnable! Oui! Mais il n’existe pas de forêt qui ne fut d’abord semence ou bouture, minuscule brin de vie.
Ainsi en est-il de la paix. Quelqu’un fait un geste. Le plus souvent, un geste fou. Les entreprises de paix commencent par un geste fou comme pour les guerres. Comme la guerre, la paix n’arrive que par une rupture. Rupture avec l’ordre établi, rupture avec la logique du pouvoir et du despotisme, rupture avec la vengeance et la justice du talion, rupture avec ce qui est considéré comme la normalité et le conventionnel. Ce qui ne se fait pas doit se faire, affirme la paix!
La paix, comme la création d’une oeuvre d’art, suppose une sorte d’abandon à l’imaginaire. Du neuf qui engage sur des chemins inconnus, avec les risques que comporte la rencontre de l’inconnu et du mystérieux. Les risques, et aussi l’espérance qui devient souvent audacieuse. Pourquoi pas!, dit l’artiste. Pourquoi pas!, dit l’artisan de paix. Dans ces circonstances, j’imagine Dieu qui répète: Pourquoi pas!. Comme il a probablement dit: Pourquoi pas! avant la création du mondee.