C’est dans une ambiance particulière que nous entamons cette nouvelle année avec la rentrée automnale. Nous avons l’impression de tourner la page. Avec derrière nous l’autre monde, celui de la Covid, celui d’avant la Covid, l’ancien monde de nos impasses, de nos succès mitigés, de nos insatisfactions chroniques. Nous avons compris depuis longtemps que nos gloires passées ne sont pas garantes de réussites futures. Tout compte fait, nous sommes à pied d’œuvre pour faire du neuf, pour travailler mieux, pour produire davantage de satisfaction et de bonheur.
C’est dans cette perspective d’un chantier en relance que je m’interroge sur nos méthodes et nos habitudes profondes. On nous dit beaucoup que rien ne sera plus pareil, que nous avons la chance et le devoir de faire du neuf, de faire autrement tout au moins. Bien sûr, nous sommes en processus créatif depuis le commencement du monde, depuis, plus spécialement, que l’intelligence, le cœur et l’esprit humains sont à l’œuvre. Nous avons le mandat de créer depuis nos origines!
Mais, nous sommes un peu paresseux de nature, nous aimons bien marcher dans les sentiers battus, avancer sur notre erre d’aller, nous installer dans quelques bonnes habitudes. Surtout quand il nous faudrait fonctionner à plusieurs, nous entendre sur des conventions et protocoles, sur des façons de faire. Et roule alors la machine de la plus harmonieuse manière! Vogue la galère à bout de bras et de sueurs!
Mais alors, comment inventer? Comment réagir et faire du neuf? Comment faire autrement? Faudra-t-il toujours quelques besoins criants, quelques bonnes chicanes, quelques accidents de parcours, qui nous obligent, qui changent les repères, les paramètres, les algorithmes. Ou bien nous faudra-t-il quelque leader charismatique, quelque gourou illuminé… irrésistible? Ou bien faudra-t-il changer pour changer, succomber à la maladie du changement, de façon compulsive, impulsive? Et alors ce pourrait être l’aveugle qui risque de mal guider un autre aveugle. N’irions-nous pas tous les deux tomber dans un trou?
Et si notre approche du futur était résolument prospective, concertée, négociée, parlementée? Si nous étions à l’écoute du réel, des évènements, des appels et des signes? Si nous savions délier et respecter la parole de l’un et de l’autre, et nous donner de bien nous entendre les uns les autres? Si nous savions mieux prendre le temps de mûrir les sujets, de les discuter, de les analyser?
Loin de nous paralyser, il me semble que pareille démarche ferait de nous les bâtisseurs d’une communauté vivante. Où chacun, chacune est important, où personne n’est laissé pour compte. Il me semble que nous pourrions mieux nous approprier la suite du monde collectivement; nous donnerions sa chance à l’Esprit-Saint de se glisser dans nos cœurs, âmes et consciences pour faire l’unité, faire de nous le Corps du Christ. Ce serait l’Église vivante!
C’est ce que je comprends de la démarche de réflexion que veut engager le Synode sur la Synodalité, qui se met en route présentement dans un va-et-vient, un aller-retour de consultations et de propositions à l’échelle de l’Église catholique « universelle ».
Tant mieux pour la grande Église qui en deviendra plus elle-même dans le Christ! Mais cet exercice, il nous faut le vivre aussi à tous les niveaux, à toutes les échelles de nos existences collectives. Savoir nous remettre en question par des ateliers d’auto-critique, de partage d’idées, d’écoute et de confrontation, pour un consensus, pour un ralliement au bout d’une patiente et laborieuse recherche. En donnant du temps au temps. En nous responsabilisant tous et chacun. Nul n’est une île. Il nous faudrait consentir jusqu’au bout à la vertu du dialogue et à l’exercice de la démocratie. C’est ainsi que je voudrais voir notre avenir, plus concerté, plus véritablement humain. Celui que nous pourrions vivre en connivence, en communion avec l’Esprit du Seigneur. Et tout ça serait Évangile, Bonne Nouvelle pour les hommes, les femmes et les enfants d’aujourd’hui et de demain!
Jacques Marcotte, O.P
Québec, QC