Historienne de la Révolution française, Christine Le Bozec signe avec son petit volume sobrement intitulé Révolution et religion, un précieux récapitulatif de la politique religieuse révolutionnaire, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 au Concordat napoléonien de 1801-1802.
L’ouvrage, au style clair et alerte, permet de mieux comprendre la logique politique suivie par les gouvernements successifs dans leur volonté partagée de modernisation d’un religieux catholique traditionnel, particulièrement compromis avec le pouvoir royal.
Les législations successives, comme la Constitution civile du clergé de 1790 ou la première séparation des Églises et de l’État de 1795, sont resituées dans un contexte d’effervescence politique qui freine l’application sereine du projet initial d’adhésion de l’Église au projet républicain.
Entre émotions populaires (à la base de la déchristianisation sous la Terreur et de l’apparition plus ou moins spontanée des cultes révolutionnaires) et mises en œuvre ratées des utopies déistes issues de la philosophie des Lumières (comme le culte de l’Être suprême ou la théophilanthropie), la politique religieuse des révolutionnaires a longtemps été considérée comme particulièrement chaotique et jugée surtout répressive.
L’auteure montre pourtant qu’en dépit des aléas, cette politique suivit une logique continuée jusqu’à ce que la régularisation concordataire permette de parachever la laïcisation partielle de l’État républicain. Cette domestication gallicane réussie a ainsi permis de régler durablement la « question religieuse » en France… jusqu’à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 qui s’est inspirée, cent dix ans plus tard et sans en reprendre la coloration très antireligieuse, de sa devancière révolutionnaire. (Études, numéro de juillet 2021)
Le Bozec, Christine, Révolution et religion, Éd. Passés / Composés, Paris, 2021, 176 p.