Je ne suis venu qu’assez tard à donner à Jésus Christ la place centrale qu’il occupe aujourd’hui dans ma pensée et dans ma vie. Jeune séminariste, jeune religieux, j’étais plutôt saisi par « Dieu ». Je me souviens que pendant mes années d’étude, j’étais étonné d’entendre mon frère de noviciat, le Frère Maydieu, dire : Pour moi, Jésus Christ est tout.
Aujourd’hui, après quarante ans de sacerdoce, quarante-cinq de vie religieuse, après avoir beaucoup réfléchi et prêché, je crois m’être approché d’une position à la saint Paul, pour laquelle on se demande en vain si elle est théocentrique ou christocentrique. « Dieu » est absolument premier, mais il est le « Père de Jésus Christ, Notre Seigneur » : ceci dans ma pensée dogmatique et dans ma prière, si j’ose employer d’aussi grands mots pour des choses qui sont, chez moi, si médiocres.
Mais s’il s’agit de ma vie telle que j’essaie de la mener au milieu des hommes, avec eux et pour eux, alors c’est Jésus Christ qui en est la lumière, la chaleur et par son Saint-Esprit, le mouvement. Chaque jour il m’interpelle. Chaque jour il m’empêche de m’arrêter : son Évangile et son exemple m’arrachent à la tendance instinctive qui me retiendrait lié à moi-même, à mes habitudes, à mon égoïsme.
Je lui demande de me faire cette miséricorde de ne pas me laisser à moi-même, lié à ma tranquillité égoïste. Et je vérifie la vérité du mot d’ibn Arabi: « Celui dont la maladie s’appelle Jésus ne peut pas guérir ».