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Témoins du Christ,

Responsable de la chronique : Yves Bériault, o.p.
Témoins du Christ

On veut des prêtres qui soient de vrais prêtres

Imprimer Par Madeleine Delbrel

 

Madeleine Delbrêl est née le 24 octobre 1904 à Mussidan en Dordogne (France) et décédée le 13 octobre 1964. Elle est une mystique chrétienne, assistante social, essayiste et poétesse. A 20 ans, suite à la rencontre d’un groupe d’amis chrétiens et à l’entrée chez les dominicains du garçon qu’elle aimait, elle prend en considération la possibilité de Dieu. Cette démarche, qu’elle fonde sur la prière, la réflexion aboutit à la foi. Assistante sociale très active, elle travaille dans la banlieue ouvrière, à Ivry-sur-Seine, où œuvre une municipalité communiste. Elle se confronte alors avec l’athéisme marxiste, n’hésitant pas, à contre-courant, à annoncer l’Évangile. En matière de travail social, elle rappelle la nécessité de développer des actions collectives en vue de faire évoluer les politiques sociales. Elle écrira en 1937 : « Il est peut-être plus touchant de visiter, dans sa journée, cinq ou dix familles nombreuses, de leur obtenir à grand renfort de démarche telle ou tel secours ; il serait sans doute moins touchant mais plus utile, de préparer le chemin à tel texte légal qui améliorerait l’état familial toutes les familles nombreuses connues ou inconnues de nous ».


Le plus grand cadeau qu’on puisse faire, la plus grande charité qu’on puisse apporter, c’est un prêtre qui soit un vrai prêtre. C’est l’approximation la plus grande qu’on puisse réaliser ici-bas de la présence visible du Christ… Dans le Christ, il y a une vie humaine et une vie divine. Dans le prêtre, on veut retrouver aussi une vie vraiment humaine et une vie vraiment divine. Le malheur, c’est que beaucoup apparaissent comme amputés soit de l’une, soit de l’autre.

Il y a des prêtres qui semblent n’avoir jamais eu de vie d’homme. Ils ne savent pas peser les difficultés d’un laïc, d’un père ou d’une mère de famille, à leur véritable poids humain. Ils ne réalisent pas ce que c’est vraiment, réellement, douloureusement, qu’une vie d’homme ou de femme. Quand les laïcs chrétiens ont rencontré une fois un prêtre qui les a « compris », qui est entré avec son cœur d’homme dans leur vie, dans leurs difficultés, jamais plus ils n’en perdent le souvenir. A condition toutefois que, s’il mêle sa vie à la nôtre, ce soit sans vivre tout à fait comme nous. Les prêtres ont longtemps traité les laïcs en mineurs ; aujourd’hui, certains, passant à l’autre extrême, deviennent des copains. On voudrait qu’ils restent pères. Quand un père de famille a vu grandir son fils, il le trait désormais en homme et plus en gamin, mais il le considère toujours comme son fils : un fils, homme.

On a besoin également que le prêtre vive d’une vie divine. Le prêtre, tout vivant parmi nous, doit rester d’ailleurs. Les signes que nous attendons de cette présence divine ? La prière : il y a des prêtres qu’on ne voit jamais prier (ce qui s’appelle prier) ; la joie : que de prêtres affairés, angoissés ! la force : le prêtre doit être celui qui tient. Sensible, vibrant, mais jamais écroulé ; la liberté : on le veut libre de toute formule, libéré de tout préjugé ; le désintéressement : on se sent parfois utilisé par lui, au lieu qu’il nous aide à remplir notre mission ; la discrétion : il doit être celui qui se tait (on perd espoir en celui qui nous fait trop de confidences) ; la vérité : qu’il soit celui qui dit toujours la vérité ; la pauvreté : c’est l’essentiel. Quelqu’un qui est libre vis-à-vis de l’argent ; qui ressent comme une « loi de pesanteur » qui l’entraîne instinctivement vers les plus petits, vers les pauvres ; le sens de l’Église enfin : qu’il ne parle jamais de l’Église à la légère, comme étant du dehors ! un fils est tout de suite jugé, qui se permet de juger sa mère…

Mais souvent une troisième vie envahit les deux premières et les submerge : le prêtre devient l’homme de la vie ecclésiastique, du « milieu clérical » : son vocabulaire, sa manière de vivre, sa façon d’appeler les choses, son goût des petits intérêts et des petites querelles d’influence, tout cela lui fait un masque qui nous cache douloureusement le prêtre, ce prêtre qu’il est sans doute demeuré par derrière… L’absence d’un vrai prêtre dans une vie, c’est une misère sans nom, c’est la seule misère.

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