Quand Dieu se donne à manger!
La Fête-Dieu, ce n’est plus comme avant. Nous avons connu ou bien on nous a raconté ce temps où nous faisions des processions bien ordonnées, promenant le Saint-Sacrement dans les rues et les rangs de la paroisse. Quand il y avait l’adoration et la vénération du Saint Sacrement au reposoir, ce lieu que nous avions choisi, décoré avec ce que nous avions de plus beau. C’était alors un mélange de fierté, de respect, d’adoration, de vénération. Dieu avec nous! Nous avec Dieu!
Chez nous les circonstances ont changé depuis longtemps. Les mœurs religieuses ne sont plus les mêmes. Faut-il nous en plaindre? En être nostalgiques? La fête demeure pourtant et elle nous sollicite encore dans notre pratique chrétienne. Que faisons-nous de l’Eucharistie? Quelle place prend-elle dans notre vie? Quel sens lui donnons-nous? Quel réconfort y trouvons-nous?
Plusieurs d’entre nous venons régulièrement à l’Eucharistie, sauf quand quelque pandémie nous en interdit l’accès… Nous, les prêtres, nous pouvons célébrer la messe chaque jour. C’est une chance que nous avons! Mais nous risquons parfois d’en faire une habitude. Et nous oublions alors le sens et la portée des gestes extraordinaires que nous posons.
Pourtant nous n’oublions jamais les repas même s’ils nous reviennent chaque jour. Nous ne saurions nous en passer. Il nous faut manger pour vivre, pour aller plus loin, pour tenir notre place dans la vie. Ne serait-ce pas là le sens véritable de l’Eucharistie, une pratique qui nous est nécessaire pour vivre? C’est le mystérieux produit que le Bon Dieu a mis heureusement à notre disposition pour que nous pussions tenir la route. Une ressource dont nous ne saurions nous passer et qu’il a mise providentiellement à notre portée. Quand nous y avons recours, c’est le monde entier qui en profite.
Chaque année la liturgie de cette fête nous rappelle des éléments importants pour la compréhension et l’usage plus réfléchi de cette précieuse nourriture. C’est chaque fois une invitation à entrer plus avant dans le Mystère du Christ, lui qui se donne à manger pour que nous vivions de lui.
D’abord en 1ère lecture, c’était le rappel de la manne. Au désert, nous avions faim. Nous étions affaiblis en chemin, subissant des épreuves qui mettaient à mal notre fidélité. Dieu nous a alors fourni un pain pour la route, qui redonnait force et courage pour aller jusqu’au bout, pour nous défendre, nous tenir ensemble. Cet aliment mystérieux venu du ciel préfigurait le vrai pain qui allait venir du ciel un jour pour rassasier l’humanité toujours fragile et à bout de souffle.
La 2ème lecture nous rappelait que se nourrir de la chair du Christ et boire son sang, c’est faire corps avec lui. Si nous mangeons le pain sanctifié en mémoire de lui, nous devenons ce que nous mangeons. Nous devenons le Corps du Christ, qui est l’Église vivant de la vie du Ressuscité.
Dans l’Évangile enfin nous en abordions le secret profond, le mystère de l’Eucharistie, qui est de faire mémoire vive de la mort et de la résurrection du Seigneur. Manger le pain sanctifié, boire à la coupe sanctifiée, c’est communier à la chair et au sang du Fils de l’homme, c’est prendre part au don qu’il nous fait de sa vie. Corps du Christ livré pour nous. Sang du Christ versé pour nous. Christ est venu. Christ est né. Christ a souffert. Christ est mort. Christ est ressuscité. Christ reviendra. Christ est là.
Oui, Christ est là dans la mémoire que nous faisons de sa Pâque, en usant des rites sacrés qu’il a initiés pour nous. Mais, ne l’oublions pas, il est là aussi par la mémoire que nous faisons de lui, après la messe, après la communion, dans le service du prochain et le don de nous-même, à la suite du Christ, à la manière du Christ. « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » Vivre par lui, vivre de lui, c’est être envoyés comme lui, dans l’amour et le service, pour donner nous aussi notre vie pour nos frères et nos sœurs, faisant ainsi mémoire de lui, qui s’est livré pour nous.