Nos ancêtres ont connu le « temps des cathédrales ». Plus proche de nous, le groupe Saint-Luc au siècle dernier a couvert la Suisse francophone d’églises nouvelles édifiées sur le site de modestes lieux de culte campagnards sacrifiés à la modernité et au « besoin de grandeur ». On verse aujourd’hui des larmes de crocodiles sur ce patrimoine disparu. D’autant plus que les églises qui l’ont remplacé sont devenues démesurées et les frais occasionnés par leur entretien et leur restauration insolvables. Surtout, quand ces dépenses reposent sur un petit groupe d’usagers dont le nombre ne cesse de se rétrécir en peau de chagrin.
D’où le branlebas de combat qui agite les responsables laïcs et clercs de nos paroisses à la recherche de solutions architecturales adaptées aux finances de leurs donateurs ou contribuables. Ici, on prévoit d’abattre une église bétonnée pour la remplacer par un immeuble locatif dont le rez-de-chaussée servira de lieu de culte. Ailleurs, on se dispose à sacrifier une parcelle attenante, voire un jardin pour y édifier une « tour » d’appartements rentables.
Je ne mets pas en cause le zèle et la générosité de ceux qui s’engagent dans ces projets, mais leur myopie m’inquiète. Outre le fait que prêtres et laïcs vont devoir brûler ce qui leur reste d’énergie pour réaliser ces opérations immobilières, le préalable pastoral à leur action fait défaut. Contrairement à la leçon de la fable : « Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge ! », l’heure est venue en Eglise non pas de bâtir, mais de planter. En clair, il faut d’abord créer une communauté ecclésiale digne de ce nom avant de songer à l’abriter dans une structure architecturale.
Je me questionne. Existe-t-il de telles communautés, pleinement responsables de leurs ministères diversifiés et non seulement de leur administration financière ? J’ai l’impression que beaucoup de paroisses sont majoritairement formées par des consommateurs occasionnels, choisissant sur les étals ce qui leur plait, quitte à changer de supermarché ou de boutique dès la première déconvenue. En fait, ils n’on jamais eu voix au chapitre, se contenant d’entériner ou non ce qu’un comité restreint, souvent parachuté, leur prescrit ou leur recommandait d’avaliser.
Pas besoin d’un long détour dans l’histoire pour se rendre compte que l’Eglise ne s’est pas construite ainsi. Des hommes et des femmes ont commencé par vivre de l’eucharistie et de la parole de Dieu avant de se préoccuper de la structure qui allait les abriter. Cela pouvait être une maison privée, un appartement, un marché, la rive d’un lac ou d’un cours d’eau, un baobab et même une cathédrale si le cœur et la foi étaient là pour le proposer. L’important était de ne pas bâtir la maison ecclésiale en commençant par sa cheminée.
Aujourd’hui comme autrefois, l’essentiel en Eglise demeure la plantation et la culture d’une communauté.