Ô Marie, Marie, temple de la Trinité, ô Marie porteuse du feu! Marie porteuse de miséricorde, Marie qui fais germer le fruit, Marie qui rachètes l’humaine génération, parce que ta chair portant en elle le Verbe, le monde fut racheté.(…)
Ô Marie, océan de paix, Marie donatrice de paix, Marie terre fructifère. Toi, Marie, tu es cette plante nouvelle de laquelle nous vient cette fleur odoriférante, le Verbe Fils unique de Dieu parce qu’en toi, terre fructifère, fut semé ce Verbe. Tu es la terre et tu es la plante.(…)
Ô Marie, vase d’humilité, et dans ce vase se trouve et brûle la lumière de la vraie connaissance, avec laquelle tu t’élevas au-dessus de toi et tu plus au Père éternel, alors il te ravit et te tira à lui en t’aimant d’un singulier amour. Avec cette lumière et ce feu de ta charité et avec l’huile de ton humilité tu tiras et inclinas sa divinité à venir en toi, bien qu’auparavant il fut tiré par le très ardent feu de son inestimable charité à venir à nous.(…)
Toi, ô Marie, tu es faite livre, dans lequel est écrite aujourd’hui notre règle. En toi aujourd’hui est écrite la sagesse du Père éternel, en toi se manifeste aujourd’hui la force et la liberté de l’homme. Je dis que se montre la dignité de l’homme parce que si je regarde en toi, Marie, je vois que la main de l’Esprit Saint a écrit en toi la Trinité: formant en toi le Verbe incarné Fils unique de Dieu, elle y a écrit la sagesse du Père c’est-à-dire le Verbe même: elle y a écrit la puissance puisqu’il eut la puissance de faire ce grand mystère, et elle y a écrit la clémence de l’Esprit Saint, car uniquement par grâce et clémence divine fut ordonné et accompli un tel mystère.
Si je considère ton grand conseil, Trinité éternelle, je vois que dans ta lumière tu as vu la dignité et la noblesse de la génération humaine, alors comme l’amour t’avait contrainte à tirer l’homme de toi, ainsi ce même amour t’a contrainte à le racheter alors qu’il était perdu. Tu as bien démontré que tu as aimé l’homme avant qu’il soit quand tu as voulu le tirer de toi par seul amour, (…) Et que pouvais-tu lui donner plus que de te donner toi-même? D’où vraiment tu peux lui dire: « Que t’ai-je pu ou dû faire que je ne l’aie fait?» (…)
Quelle façon as-tu trouvée, Trinité éternelle, pour que s’accomplisse ta vérité, et que tu fasses miséricorde à l’homme et que soit satisfait à ta justice? Quel remède as-tu donné? Ô voici ton remède: tu as disposé de nous donner le Verbe, ton Fils unique, et qu’il prenne la masse de notre chair qui t’avait offensé, (…)
Ô Marie, je vois ce Verbe à toi donné, être en toi et néanmoins n’être pas séparé du Père, de même que la parole que l’homme a dans l’esprit qui, bien qu’elle soit proférée au-dehors et communiquée à d’autres, ne sépare pourtant pas, et n’est pas séparée du coeur. En ces choses se montre la dignité de l’homme pour lequel Dieu a opéré tout et de si grandes choses.
En toi encore, Ô Marie, se montrent aujourd’hui la force et la liberté de l’homme, parce que, après la décision d’un tel et si grand conseil, t’est envoyé l’ange pour t’annoncer le mystère du conseil divine et chercher ta volonté. Et le Fils de Dieu ne descendit pas dans ton ventre avant que tu y consentis avec ta volonté. Il attendait à la porte de ta volonté que tu lui ouvres, et jamais il ne serait entré si tu ne lui avais ouvert en disant: «Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole.»
Ô Marie, mon très doux amour, en toi est écrit le Verbe dont nous avons la doctrine de vie, tu es la tablette qui nous tend cette doctrine. Je vois que ce Verbe, aussitôt qu’il est écrit en toi n’est pas sans la croix du saint désir, mais aussitôt qu’il fut conçu en toi, lui fut greffé et annexé le désir de mourir pour le salut de l’homme, pour lequel il s’est incarné, ainsi ce lui fut une grande croix à porter si longtemps ce désir qu’il aurait voulu aussitôt accomplir.(…)
Je te prie encore pour ceux que tu as mis dans mon désir avec un amour singulier afin que tu brûles leurs coeurs qui soient des charbons non éteints mais ardents et brûlants de ta charité et de celle du pro- chain, si bien qu’au temps du besoin qu’ils aient leurs nacelles bien fournies pour eux et pour autrui.(…)
Mais aujourd’hui je demande hardiment, parce que c’est un jour de grâces, et je sais que toi, Marie, tu ne refuses rien. Ô Marie, ta terre aujourd’hui a germé pour nous le Sauveur.
Ô Marie, sois bénie, toi entre toutes les femmes pour les siècles des siècles. Car aujourd’hui tu nous as donné de ta farine. Aujourd’hui la déité est réunie et pétrie avec notre humanité si fortement que jamais cette union ne peut être séparée ni par la mort, ni par notre ingratitude; mais toujours fut unie la déité, même avec le corps dans le sépulcre et avec l’âme dans le limbe, et l’âme avec le corps en Christ. De telle façon fut contractée et unie cette parenté que, de même qu’elle ne fut jamais séparée, jamais elle sera défaite in perpetuo.