Jean Mouttapa est éditeur de textes sacrés et de spiritualité, ainsi que chroniqueur régulier dans la revue L’actualité des religions. Il écrit à titre d’observateur engagé dans le dialogue interreligieux. D’après lui, il ne sera bientôt plus possible de croire en son dieu comme si celui des autres n’existait pas . Les relations entre cultures et entre religions s’accroissent dans notre monde pluraliste.
Il ne s’agit plus d’un luxe associé à l’exotisme et aux voyages. Le dialogue avec la foi des autres est ainsi destiné à occuper une place croissante dans la vie sociale, dans l’intimité des familles comme dans les relations internationales. Cette situation en pleine évolution pose un défi à ceux qui professent une foi religieuse, un défi intimement lié à l’acte même de se positionner explicitement comme croyant. En fait, le dialogue serait en train de devenir une donnée fondamentale de toute expérience religieuse.
L’ouvrage de Jean Mouttapa ne constitue pas un traité théorique sur le dialogue interreligieux. Il s’agit plutôt d’un tour d’horizon à partir de pratiques particulières, comme le Talmud, le jihâd islamique, les castes de l’hindouïsme, et de figures historiques importantes, dont Louis Massignon, Thomas Merton et Henri Le Saux. L’auteur refuse toute forme de syncrétisme facile ou superficiel, au nom du respect et de l’écoute de l’autre. Ainsi, il met un bémol à toute tentative un peu trop rapide de synthèse entre l’Orient et l’Occident. Se situant lui-même comme chrétien, il se met à l’écoute de l’autre dans toute sa différence, avec respect et même admiration. Dans son observation de plusieurs tentatives concrètes de rencontres entre cultures et entre religions, Mouttapa se met à la recherche des principes éthiques et déontologiques susceptibles de guider le processus du dialogue.
Dans cet esprit, il nous met en garde contre les faux amis , ces homologies supposées, ces correspondances qui nous donnent une trompeuse impression de familiarité et qui dénaturent le dialogue. À titre d’exemple, il met en lumière les courts-circuits de la pensée qui permettent à tant d’occidentaux d’adhérer à la réincarnation bouddhiste en passant sous silence l’anthropologie qui lui est sous-jacente. Il cite également les mises en garde de quelques maîtres orientaux tels Sogyal Rinpoché et Shunryu Suzuki à l’égard de la tendance occidentale à instrumentaliser les techniques de méditation de manière à en détourner subtilement la fin et l’esprit. Bref, le dialogue dont parle Mouttapa se révèle exigeant mais d’une grande fécondité spirituelle.