À la dérobée, en longeant les murs, la danse s’introduit dans la liturgie et la prière. Elle est bien timide, la petite. Elle a peur des gros yeux qui la guettent pour la traquer. N’ose-t-elle pas exalter le corps dans une activité hautement spirituelle? Ne réveille-t-elle pas les vieux démons de la sensualité et de l’érotisme devant Dieu, le très pur?
Et pourtant, les danses sacrées sont vieilles comme le monde. Dans des cultures moins froides que la nôtre, elles occupent une place honorable. Au Zaïre, le cortège des ministres (y compris, le prêtre!) s’avance en se dandinant au rythme du chant d’entrée. Le Gloire à Dieu est accompagnée d’une danse de la chorale et du président de la célébration autour de l’autel. Tous les chants sont exécutés en balançant le corps et en frappant dans les mains.
Même chose dans la vieille tradition juive. Qu’on pense seulement au roi David au moment où l’Arche de Dieu entre dans Jérusalem: «David et tout Israël dansaient de toute leur force devant Dieu, accompagnés de chants, de cithares, de harpes, de tambourins, de cymbales et de trompettes.» (l Chroniques 13, 8). Les malades et les éprouvés veulent retrouver la joie de danser: «Fais que j’entende les chants et la fête: ils danseront, les os que tu broyais» (Psaume 50, 10). Et c’est même à Dieu qu’on attribue le bonheur de danser: «Tu as changé mon deuil en une danse. (Psaume 29, 12)!
Dans l’adaptation de la Liturgie des Heures pour les pays francophones, on nous propose comme hymne un poème de Sydney Carter. On le trouve dans Prière du temps présent à la page 1149 et dans le premier tome de Liturgie des Heures à la page 1268. Tiré du Oxford Book of Carols et traduit par Dom Jean Leclercq, cet hommage à la danse du Seigneur s’intitule: Demain sera mon jour de danse.
Dom Leclercq commente: «Qu’on l’entende bien: il ne s’agit nullement ici d’exaltation continue, d’excitation au plaisir facile, mais de cette exultation tout intérieure, de cette calme joie qui vient de Dieu, de la certitude de lui être uni, quoi qu’il se passe en nous, autour de nous, pourvu que nous demeurions orientés vers lui comme l’aiguille de la boussole, et que notre attention reste nourrie de sa parole.»
Dom Leclercq. Le défi de la vie contemplative, Paris, Duculot/Gembloux/Lethielleux, 1969, page 152