La Bible a recueilli des pages affreuses parmi de nombreux récits absolument sublimes. Des pages affreuses où on tue, on extermine. Même les enfants innocents ne sont pas épargnés. Bien souvent, à cause de gens qui ont un comportement différent. Des Juifs qui dévient de la foi commune. Des païens qui ne sont pas de la bonne race. Des ennemis dont on veut s’accaparer le territoire.
Il est difficile de vivre avec des gens différents. Surtout quand nous considérons qu’ils trahissent ce que nous avons de plus cher. Nous sommes tentés de les exclure. Et nous pouvons le faire durement. Très durement même, si nous avons peur, si la différence ou la délinquance crée en nous de l’insécurité.
Aujourd’hui, comme au temps des prophètes et des rois bibliques, on tue encore les gens différents. La planète a ses points chaudes, ses volcans de haine. Ai-je besoin de citer des pays, des régions du monde pour vous convaincre? Ai-je besoin de nommer des races, des continents, des groupes religieux que nous pointons du doigt? Nous sommes durs et nous excluons facilement. Nous brandissons l’excommunication.
Le Christ choisit la voie du dialogue. Quand il s’agit d’un disciple, Jésus propose une démarche très concrète (Cf. Matthieu 18, 15-18). D’abord, parler au frère ou à la soeur qui dévie, seul à seul. Pour essayer de voir clair et chercher ensemble la vérité. Et si cela ne suffit pas, appeler à la rescousse deux ou trois autres personnes. Et s’il le faut, demander à toute l’Église d’entrer dans la conversation, dans le dialogue. Et si le délinquant ou la délinquante refuse encore, considère-le comme un païen ou un publicain, dit Jésus (18, 17).
Cela ne veut pas dire: Mets-le à la porte! Cela veut dire: Repars à zéro. Recommence l’évangélisation de cette personne comme si tu te trouvais en face d’un païen. Agis avec lui ou avec elle comme si c’était Zachée, invite-toi à souper. Mange avec le pécheur, annonce-lui Jésus Christ, comme si c’était la première fois. Parle-lui de la miséricorde de Dieu qui s’est manifestée en Jésus. Parle-lui de la bonne nouvelle de la résurrection qui ouvre une infinie possibilité de victoires sur la mort. Délie-le sur la terre pour qu’il soit délié dans le ciel. Réunis-le à toi et aux autres rassemblés au nom de Jésus Christ, pour que Jésus Christ soit là, au milieu de vous.
Ce long processus à entreprendre avec le frère ou la soeur qui s’écarte du droit chemin ne nous suggère-t-il pas une attitude semblable quand il s’agit des autres, de ceux et celles qui ne partagent pas notre foi, ou notre culture, ou notre civilisation? N’est-il pas préférable de choisir la voie du dialogue? Toujours? Ou presque? Aujourd’hui, l’arsenal militaire est à ce point raffiné (sadique serait le terme plus juste!) que la guerre peut rarement être classée parmi les cas de légitime défense. Elle conduit à l’escalade de la violence et aux pires atrocités. Tout le monde y perd. Personne ne gagne vraiment.
Tous les efforts que nous mettons à inventer des armes seraient mieux utilisés à créer d’autres chemins pour résoudre nos conflits. Faut se parler! On y gagne toujours à faire appel au meilleur de la personne, à ce qu’elle porte de profondément humain. Dans le coeur, même le coeur le plus méchant, existe une zone de bonté. Les carapaces les plus récalcitrantes cachent un minimum de tendresse. Chercher la faiblesse qui fait craquer les murs, voilà l’arme qui dissuade, qui change le regard, qui rapproche et réconcilie. La planète est trop petite pour la réduire à un champ de bataille.
La paix je ne l’impose point. Je fonde mon ennemi et sa rancune si je me borne à le soumettre. Il n’est grand que de convertir et convertir c’est recevoir. C’est offrir à chacun, pour qu’il s’y sente à l’aise, un vêtement à sa mesure. Et le même vêtement pour tous. Car toute contradiction n’est qu’absence de génie. (Antoine de St-Exupéry, Citadelle, Paris, Gallimard, 1948, p. 90.)