La liturgie de ce dimanche d’octobre nous présente des lépreux: Naaman, les dix hommes qui s’amènent devant Jésus. Au point de départ de la démarche de Naaman et des dix hommes, il y a une première reconnaissance: ces malheureux reconnaissent leur misère, leur pauvreté. Ils sont malades. Leur maladie les exclut de la société. Elle brise leur personne. Elle les défigure. Elles les avilit à leurs propres yeux. Comme le sida, l’alcoolisme, la dépendance de la drogue.
Les lépreux ne peuvent pas s’en sortir tout seuls. Naaman demande l’aide d’Élisée. Les lépreux de l’évangile se tournent vers Jésus en criant: Jésus, maître, prends pitié de nous! Nous n’arrivons pas à l’action de grâce sans d’abord cette première reconnaissance. Nous n’arrivons pas à rendre grâce à Dieu ou à lui rendre gloire, sans d’abord avouer notre faiblesse, la pauvreté qui nous habite. Et il n’y a rien d’humiliant dans une telle affirmation. C’est la première reconnaissance: avouer sa misère.
La deuxième reconnaissance: trouver dans un autre la solution de notre misère. Naaman se tourne vers Élisée et, à travers le prophète, vers le Dieu d’Israël. Il avoue son impuissance en reconnaissant la puissance de Dieu. Les dix lépreux de l’évangile demandent à Jésus de les sortir de leur malheur. Ils voient en lui un médecin qui peut les guérir.
L’un d’entre eux revient vers Jésus. Le samaritain revient sur ses pas. Sa reconnaissance va plus loin. De toute façon, il est samaritain; il ne peut aller voir les prêtres. Il n’est pas de leur religion. Mais peu importe. L’essentiel ici: cet homme fait de sa reconnaissance un acte de foi. Il reconnaît Dieu dans l’action de Jésus à son endroit. Et Jésus lui dit: Relève-toi. Autrement dit: tiens-toi debout comme un ressuscité. Et va. Sois libre. Va à travers le monde, dans ton univers de samaritains et raconte aux autres ce que tu viens de vivre. Tu as là une bonne nouvelle. Et Jésus d’ajouter: Ta foi t’a sauvé. Sur la route tu as été guéri. En revenant, tu as été sauvé. Tu es allé jusqu’au bout de ton action de grâce. Ton retour ressemble aux propos de saint Paul: tu te souviens de Jésus Christ ressuscité d’entre les morts. Tu es mort avec lui et avec lui tu vis. Tu as supporté l’épreuve avec lui, et tu règnes déjà avec lui.
Dans une autre lettre, saint Paul affirme: En tout temps, vivez dans l’action de grâce. Autrement dit: reconnaissez votre pauvreté. Que ce soit votre pauvreté personnelle, les épreuves que vous vivez, les conflits que vous ne parvenez pas à régler. Que ce soit votre pauvreté collective, votre société qui ne vit pas toujours très bien ses changements, votre difficulté à vous entendre sur vos projets collectifs. Les frictions qui surgissent entre les peuples, entre les religions. Les violences de vos intolérances. Tournez-vous vers Dieu et reconnaissez qu’il peut vous soutenir dans vos pauvretés. Et allez jusqu’à reconnaître le Christ ressuscité d’entre les morts qui peut vous ressusciter à votre tour.
Le Christ ne vous donnera probablement pas les solutions à vos problèmes. Il ne répondra pas nécessairement à vos questions. Mais peut-être qu’il vous apprendra à chercher autrement. Peut-être qu’il vous aidera à prendre en main vos misères et vos pauvretés pour les vivre différemment. Et si vous vous souvenez qu’il est ressuscité d’entre les morts, vous vivrez dans l’espérance et la confiance, parce que vous aurez la certitude qu’il n’existe pas de solution bloquée pour toujours.