Un jour, le silence solennel de l’église où je me trouvais a été ébranlé par la question d’un enfant: «Où il est Jésus?» Une autre fois, je recevais une famille pour un baptême. Un petit s’approcha et me demanda: «Est-ce que c’est toi, Jésus?» Où il est Jésus? Est-ce que c’est toi, Jésus? Deux questions à cent dollars! À vous embêter un adulte pour longtemps!
Les questions sont directes! Fondamentales même! Derrière elles, il y a le problème très sérieux de la présence et de l’absence du Christ. Problème qui préoccupe les enfants dont la naïveté est toujours proche de la vérité. Mais les adultes le portent eux aussi. Du moins les croyants.
Où donc est le Christ? Des yeux se lèvent et scrutent le ciel. Mais résonne alors une interpellation: « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel?» Et les deux hommes mystérieux du récit des Actes des apôtres ajoutent: «Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel». On dirait qu’ils veulent nous faire comprendre qu’il n’y a rien à tirer à scruter le ciel. Que les espaces interplanétaires ne le cachent pas sur une planète quelconque. Qu’il est bien différent du petit prince de St-Exupéry.
Peut-être que les deux hommes vont plus loin. Peut-être qu’ils nous invitent à ne pas chercher le ciel comme on cherche un lieu, un espace géographique. Les apôtres espéraient que leur pays redevienne un royaume, et même le royaume de Dieu. Mais Jésus a été clair sur le sujet: «Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité».
Nous sommes donc renvoyés à la terre, notre terre terreuse! Nous sommes renvoyés à nous-mêmes et à notre quotidien. Nous sommes renvoyés à tout ce qui nous occupe et nous préoccupe. Tout ce terreau humain est devenu une terre sainte, un lieu sacré et précieux: c’est là, et nulle part ailleurs, que nous portons la question fondamentale: «Où il est Jésus? Est-ce que c’est toi, Jésus?»
Suivre Jésus, être ses disciples, c’est tout simplement reprendre la question et la porter, la partager les uns avec les autres, se la relancer sans cesse. Transformer la vie en une longue et patiente quête de celui qui n’est plus là et qui pourtant est avec nous jusqu’à la fin du monde. Nous vivons avec ce paradoxe où s’entremêlent la présence et l’absence. Nous passons toute notre existence à démêler cet écheveau. Chaque fois que nous avons l’impression d’avoir trouvé, la question revient comme une sorte de tremplin qui relance notre quête. La foi nous conduit à une source qui rafraîchit, mais cette source creuse davantage la soif. Chaque fois que nous avons l’impression d’avoir rencontré le Seigneur, celui-ci nous appelle ailleurs, toujours plus loin.
Saint Augustin disait: «Nous sommes faits pour Dieu, et notre coeur n’aura de repos qu’en Dieu.»