Jésus dit encore, à l’adresse de certains qui se flattaient d’être justes et n’avaient que mépris pour les autres, la parabole que voici : Deux hommes montèrent au Temple pour prier ; l’un était Pharisien, l’autre Publicain. Le Pharisien, la tête haute, priait ainsi en lui-même : Mon Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce Publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. Le Publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! Je vous le dis, ce dernier descendit chez lui justifié, l’autre non. Tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé.
Commentaire :
Cette page d’évangile de Luc résume un moment de sa réflexion et de sa prédication à la communauté primitive. Au temps des apôtres, cette parabole était appel à la conversion ; de nos jours, comme au temps de Luc, elle s’adresse aux disciples tentés de pharisaïsme. Changement d’auditoire qui n’est pas sans modifier quelque peu le sens de la parabole. Luc dédie l’ enseignement aux pharisiens de tous les temps : les soit-disant saints de l ‘Ancien Testament, hommes profondément religieux qui ont tout parié sur Dieu et la Loi qu’ils étudient avec amour et minutie Ils ont le sentiment que cette vie en communion avec Dieu saint est quelque chose de merveilleux mais aussi de terriblement exigeant. Et cette foi en Dieu doit s’exprimer par leur vie. Ils sont de bons pratiquants à qui on ne peut reprocher quoi que ce soit.
Suite à son discours sur l’attente du Règne de Dieu, la fin des temps, Luc s’adresse maintenant à certains qui se croient prêts pour l’avènement. Comme le Pharisien de l’évangile, ils ne manquent pas de sincérité, et malgré les difficultés de leur existence quotidienne, ils sont demeurés fidèles. Mais à l’ombre du Pharisien reconnaissant, se cache un pécheur, le Publicain qui, lui, admet et confesse ses défaillances. Luc va tenter de convaincre les pharisiens de sa communauté que le vrai disciple du Christ en attente du jugement dernier n’est pas un homme qui met sa confiance en soi, si juste soit-il, mais un homme justifié comme le Publicain; non un être plein de grâces, mais un pécheur. Tout homme qui s’élève sera abaissé, mais qui s’abaisse sera élevé.
Un Parisien et un Publicain, les deux extrêmes de la société religieuse. Le bon pratiquant irréprochable et le pécheur-type, qui, par sa situation et son métier, se voue à l’injustice et à l’impiété et se voit réduit au rang des prostituées. (Mt. 21 :31-32)
Le Pharisien rend grâce : prière pure, magnifique, aucunement intéressée, mais action de grâce. Qui pourrait se permettre semblable prière ? Sa vie n’ est pas facile en raison des exigences qu’il s’efforce de respecter mais il semble assuré de jouir dans l’au-delà de la présence de Dieu.
Le Publicain se confesse. Il se situe devant Dieu tel qu’il est : un pécheur. La notion de péché n’a de sens que dans la relation de personne à personne. A mesure que l’idée de Dieu s’approfondit, l’idée de péché se creuse, c’est comme l’ envers de Dieu (A.Gelon). On n’aboutit pas à la contrition en ressassant ses fautes, mais en se mettant en présence de Dieu, dans un état de pécheur.
Ce Publicain descendit justifié : il avait trouvé l’attitude convenable et grâce devant Dieu. Le Pharisien, au contraire, mettait sa confiance en lui-même, et prenait ses œuvres comme source de salut, alors qu’elles en sont la conséquence, non point cause de mérite, mais dons de Dieu. Le Publicain à l’opposé, est disposé à reconnaître que tout ce qu’il fait de bien est un cadeau de Dieu. Telle est la conversion à laquelle nous sommes appelés. Le chrétien est un pécheur gracié.
Dans son évangile de prière, l’un des points forts de la catéchèse de l’évangéliste, Dieu se montre attentif à nos cris. Il nous enseigne comment prier : en prenant conscience de notre pauvreté, de notre besoin de Dieu, surtout de sa compassion, de ce qu’il n’est plus obligé de nous donner, mais de par-donner, de donner en surplus.
Voilà pourquoi l’action de grâce, l’eucharistie du pharisien, s’éclipse devant la prière du publicain reconnaissant de son pardon.