Qu’il te réponde, le Seigneur, au jour d’angoisse,
qu’il te protège, le nom du Dieu de Jacob!
3 Qu’il t’envoie du sanctuaire un secours
et de Sion qu’il te soutienne!
4 Qu’il se rappelle toutes tes offrandes,
ton holocauste, qu’il le trouve savoureux!
5 Qu’il te donne selon ton cœur
et tous tes desseins, qu’il les seconde!
6 Que nous criions de joie en ton salut,
qu’au nom de notre Dieu nous pavoisions!
Que le Seigneur accomplisse toutes tes requêtes!
7 Maintenant je connais que le Seigneur donne le salut à son messie,
des cieux de sainteté il lui répondra par les gestes sauveurs de sa droite.
8 Aux uns les chars, aux autres les chevaux,
à nous d’invoquer le nom de le Seigneur notre Dieu.
9 Eux, ils plient, ils tombent,
nous, debout, nous tenons.
10 Seigneur, sauve le roi,
réponds-nous au jour de notre appel.
(Traduction de la Bible de Jérusalem)
Un psaume très particulier. D’abord parce que la prière proprement dite, l’appel adressé à Dieu, ne vient qu’à la fin, toute ramassée dans une supplication instante au dernier verset. Ensuite parce que ce psaume ne dévoile que progressivement la situation qui le motive et l’expérience à laquelle il se rapporte.
Qu’il te réponde, le Seigneur
Toute la première partie (versets 2-6) est faite d’un enchaînement de souhaits. Le « nous » qui s’exprime au dernier verset (v. 6) – toujours au dernier verset! – laisse deviner que ces souhaits sont formulés par un groupe, un peuple ou une communauté peut-être, ou par des personnes parlant au nom de ceux-ci. Et pour qui donc formule-t-on ces souhaits? Le psaume ne le dit pas tout d’abord. Il paraît s’agir d’un individu traversant un moment d’épreuve ou une situation difficile, évoqués au début par la mention du « jour d’angoisse » (v. 2). Face à cette situation, cet individu se propose de réagir (v. 5, « tous tes desseins qu’il les seconde ») et il est allé au sanctuaire de Dieu à Jérusalem (v. 3) pour lui confier ses projets et lui offrir un sacrifice (v. 4). Ce que souhaite la communauté, c’est que Dieu intervienne en faveur de celui qui se confie ainsi à lui, qu’il se laisse toucher par son holocauste, qu’il lui accorde protection (v. 2), secours, soutien (v. 3), exaucement et réalisation de ses projets (v. 5), autant de choses qu’à la fin – une fois de plus –, on englobe dans un seul mot : « salut » (v. 6). De ce salut attendu, cependant, rien encore ne permet de pressentir le visage exact. Mais on devine que ce salut est plus que celui de l’individu pour qui on accumule les souhaits, qu’il y va du salut de tous puisqu’il doit procurer à tous une telle joie (v. 6). Comme si la destinée de tous était attachée à la destinée de celui pour qui on manifeste un désir aussi ardent de la faveur de Dieu.
Maintenant, je sais que le Seigneur répondra
Et voilà maintenant la deuxième partie. Au cumul de souhaits succède un cri de confiance, l’expression d’une certitude : « Maintenant, je sais que le Seigneur donnera la victoire à son oint » (v. 7a). Et du même coup, tout se dévoile. L’individu pour lequel on se multipliait en souhaits, ce n’est nul autre que le roi lui-même, celui qui a reçu l’onction comme chef du peuple. Et le salut qu’on espère, c’est, bien concrètement, une victoire. Et le projet pour lequel le roi venait implorer l’assistance de son Dieu, c’est le combat qu’il doit mener contre un ennemi plus puissant que lui, pourvu de chars et de chevaux (v. 8). Le jour d’angoisse, c’est celui où il faut ainsi faire face à l’adversité, en se sentant démuni et en ne pouvant compter que sur un secours venant du ciel (v. 7b). C’est tout cela qu’en finale la prière proprement dite vient résumer en un seul verset : « Seigneur, donne au roi la victoire, réponds-nous au jour de notre appel! » (v. 10).
Tu n’exigeais holocauste ni victime
De l’intervention de Dieu en faveur d’un seul dépend le salut de tous. Comment, en reprenant ce psaume, des chrétiens pourraient-ils ne pas l’appliquer tout naturellement à celui qu’ils ont reconnu comme le Oint, le Messie de Dieu? Celui qui, se voyant petit à petit confronté aux forces du rejet et de l’adversité, a choisi de mener jusqu’au bout la mission pour laquelle il se savait choisi. Celui qui, au jour d’angoisse, s’en est remis dans la confiance à « Dieu qui pouvait le sauver de la mort » (He 5,7). Celui qui, au lieu de l’holocauste et des victimes, s’est offert lui-même, ouvert et disponible pour mener jusqu’au bout l’œuvre confiée par le Père. Celui dont la fidélité et la parfaite transparence à Dieu ont valu à tous le salut.
Michel Gourgues, o.p.