Césaire d’Arles (470-543) – Ce texte de Césaire d’Arles rappelle un passage des albums d’Astérix : un anglais pleure sur sa pelouse impeccable, fruit d’un long et patient entretien de quelques siècles : un chariot y avait laissé des traces immondes. Le 27 août 543, veille de la fête de saint Augustin, Césaire rendait son âme à Dieu. Tout thaumaturge qu’il fut, ses écrits et ses actes furent considérés par ses fidèles comme les plus merveilleux miracles de sa vie. Moine et abbé du monastère de Lérins, Césaire fut le choix de la population lorsque Eone, évêque d’Arles, mourut en 503. Le jeune abbé, conscient de son indignité ainsi que des responsabilités du pasteur, voulut fuir à cette nouvelle, mais vite retrouvé, il accepta sa mission. L’un des problèmes majeurs de son temps était le mariage de clercs, contre lequel le concile d’Agde, présidé par Césaire, s’éleva en 506. Césaire fut un apôtre préoccupé de la vie spirituelle des siens, du plus cultivé au plus rustre. S’adressant à des paysans, l’évêque s’appliquait, avec l’éloquence du cœur plus que celle du rhéteur, à cultiver comme un moine sait le faire la vie spirituelle de son peuple.
Le soin que nous devons à notre âme ressemble tout à fait à la culture de la terre. Dans la terre que nous cultivons, nous détruisons, nous arrachons jusqu’à la racine, avant de semer ce qui est bon. Nous devons en faire autant dans nos âmes : ce qui est mauvais est arraché et ce qui est bon est planté. Ce qui nuit est extirpé et ce qui est utile est semé. L’orgueil est enlevé, l’humilité plantée, l’avarice expulsée, la miséricorde conservée… Tu ne pourras mettre en terre de bonnes plantes qu’en ôtant les mauvaises et, dans ton âme, tu ne pourrais mettre les germes saints des vertus sans arracher les épines et les chiendents des vices.
« Dis-moi qui t’a montré comment émonder ta vigne et à quelle époque mettre en terre le nouveau plant ? Qui t’a montré comment entretenir ta propriété, si ce n’est le meilleur des cultivateurs que tu as vus, entendus et interrogés ? Tu es soucieux, dis-tu de ta propriété et tu ne l’es pas de ton âme ? Écoutez bien, frères, il y a deux sortes de champs, les uns sont à Dieu et les autres à l’homme. Tu possèdes ton domaine et Dieu a le sien. Ton domaine c’est la terre, celui de Dieu ton âme. Est-il juste de cultiver ta terre et de laisser en friche le domaine de Dieu ?… Dieu mérite-t-il que nous négligions cette âme qu’il aime tellement ?
« Tu te réjouis lorsque tu regardes ta terre bien cultivée et tu ne pleures pas en regardant ton âme en friche. Nous tirons des champs de notre domaine de quoi vivre en ce monde quelques jours. Mais la culture de notre âme nous fera vivre éternellement au ciel… Notre âme, Dieu a daigné nous la confier comme un domaine que nous devons cultiver avec le plus grand soin. Travaillons donc de toutes nos forces, avec l’aide de Dieu pour qu’en venant en son domaine, il trouve notre âme bien cultivée, bien organisée, bien gérée. Qu’il trouve une moisson et non des ronces, du vin et non du vinaigre, du froment et non de l’ivraie. Voyant tout agréable à ses yeux, Il nous donnera en échange des récompenses éternelles.»