Tous mangèrent à leur faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze paniers pleins. Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants.» Ainsi se termine le récit de la multiplication des pains dans l’évangile de Matthieu (14, 21). Aux disciples qui voulaient renvoyer la foule avant qu’il ne soit trop tard, Jésus avait dit: «Donnez-leur vous-mêmes à manger»!
Donner à manger en plein désert! Avec à peine cinq pains et deux poissons! De la folie pure! Et Jésus insiste en plus. Il fait apporter ce qui ressemblait à une collation d’adolescent. Puis, il donne les pains et les poissons aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule.
Le prodige a commencé quand les disciples sont entrés en scène. Le miracle s’est produit quand les disciples ont reçu les pains et les poissons et qu’ils les ont distribués à la foule. Non pas qu’ils ont été les auteurs du miracle. Mais parce que Jésus n’a pas voulu agir sans leur participation. Peut-être pour dire aussi que le vrai miracle, ce n’est pas de rassasier les cinq mille hommes et les nombreuses femmes, et la multitude d’enfants. Le vrai miracle, c’est que les disciples sont devenus responsables de la foule. Ils auraient voulu que Jésus renvoie la foule à d’autres responsables. Jésus leur a demandé de prendre la foule en charge. Occupez-vous-en vous-mêmes. Caïn ne se croyait pas le gardien de son frère. Jésus dit à travers son attitude et son geste: tout disciple devient responsable des autres.
Au moment de la communion à l’eucharistie, le prêtre nous dit: «Heureux les invités au repas du Seigneur.» Qui sont ces heureux invités? Tous les hommes et toutes les femmes de la terre, de siècle en siècle! Ils sont tous invités au repas du Seigneur. Et ils sont invités pour leur bonheur: «Heureux les invités…» Ils sont invités à la liturgie de l’eucharistie. Ils sont invités aussi à la liturgie de la création. L’immense jardin du monde, c’est pour eux. Pour leur bonheur. Ils sont invités à partager la terre, à partager la santé, à partager les bienfaits de la science et des techniques, à partager le bien-être matériel comme le bien-être intérieur, à partager l’harmonie et le bonheur.
Dieu donne tout cela. Mais ils nous dit comme Jésus: «Donnez-leur vous-mêmes à manger.» Et il nous arrive de répondre: Mais j’ai presque rien. Comment puis-je nourrir les victimes du Tsunami en Asie du Sud-Est avec mes trois ou quatre dollars? Comment puis-je rendre heureux un grand dépressif, moi qui n’ai aucune compétence en psychologie? Comment puis-je régler le sort des pauvres, moi qui n’ai aucun pouvoir et pas assez d’argent pour changer quoi que ce soit dans la société?
Et Jésus de répondre: «Apporte-moi ce que tu as? Quand tu viens à l’eucharistie, présente-toi avec tes minuscules richesses et surtout tes grandes pauvretés. Et je te rendrai débrouillard. Je chargerai tes faiblesses de ma force. Je te donnerai le goût des autres. Je te donnerai assez d’imagination pour inventer le bonheur à petite ou grande dose pour toi-même comme pour les autres. Et tu pourras dire avec enthousiasme: «Heureux les invités au repas du Seigneur»!