Plusieurs jours après la catastrophe, les bulletins de nouvelles ont encore quelque chose à dire sur le tsunami qui a ravagé les pays du Sud-Est asiatique. Les survivants n’ont pas fini de pleurer leurs morts. Ils errent parmi les ruines à chercher quelques biens, quelques souvenirs.. Partout où la rage de la nature s’est manifestée, on ne voit pas la fin du grand ménage. Et l’aide continue d’affluer sans ralentir, de tous les coins du monde.
Par une curieuse coïncidence, la Liturgie des Heures a proposé ces jours-ci la réflexion de saint Athanase sur le brillant travail du Dieu créateur:
« La vue de la création nous permet de découvrir le Créateur. Qui est-il, sinon le très saint, celui qui est au-dessus de toutes les réalités créées? Pareil à un excellent pilote, par sa propre Sagesse et sa propre Parole, le Christ notre Seigneur et notre Sauveur, Dieu gouverne et ordonne l’univers pour notre salut, en faisant ce qui lui semble bon. Et ce monde est très bon, en effet, tel qu’il a été fait et tel que nous le voyons, parce que Dieu le veut ainsi; personne ne pourrait en douter. Car si la création se mouvait sans raison, si l’univers s’en allait n’importe comment, on pourrait bien mettre en doute ce que nous venons de dire. Mais puisqu’il a été créé avec raison, sagesse et science, puisqu’il est si beau, celui qui l’a créé et lui a donné cette beauté ne peut être que le Verbe de Dieu. » Traité contre les païens)
Objection, votre Honneur! Le temps est certainement au beau fixe dans votre région. Voyagez un peu, cela aidera à nuancer votre émerveillement. Malgré tout le respect que nous vous devons, cher Père de l’Église, plusieurs d’entre nous ont sombré dans le doute et trouve que la raison, la sagesse et la science de Dieu s’expriment avec discrétion au sud de la planète. Ou du moins, les malheurs que nous traversons nous posent de lourdes et pénibles questions sur l’action ou l’inaction de Dieu. Soyons bons: disons sur l’apparente inaction de Dieu.
Curieusement, Dieu ne se précipite pas pour donner des explications claires. Les auteurs bibliques lancent le débat sans apporter vraiment de l’eau au moulin. Ils ne parviennent pas à apaiser la révolte des victimes ou celle des témoins.
Peut-être vaut-il mieux que Dieu ne se défende pas. Peut-être vaut-il mieux qu’il se taise et nous laisse évaluer les dégâts. Peut-être vaut-il mieux que nous apprenions à donner un sens nous-mêmes à ce qui nous arrive. Peut-être vaut-il mieux que nous nous prenions en mains et que nous réglions nous-mêmes nos problèmes. Cela ne signifie pas que Dieu ne nous serait pas bien utile avec ses compétences et ses habiletés. Mais peut-être est-il préférable que nous dépassions nos réflexes de «Tanguy» gâtés pour voir nous-mêmes à nos affaires.
Le Christ aborde la question du mal autrement. Devant un aveugle de naissance, on lui demande de dénoncer le coupable. Il préfère regarder la chose sous un autre angle: «Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est pour qu’en lui se manifestent les oeuvres de Dieu» (Jean 9, 2). Évoquant la chute de la tour de Siloé où sont morts une vingtaine de personnes, il pose la question: « Pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem? » (Luc 13, 4)
Finalement, dans la passion et la mort, le Christ affronte le mal en assumant pleinement sa fragilité et la nôtre. « Il commença alors à ressentir tristesse et angoisse. » (Matthieu 26, 37) Sur la croix, Dieu écrit dans la chair de son Fils un message qui ressemble à ces mots fulgurants de Dietrich Bonhoeffer: «Dieu est impuissant et faible dans le monde, et ainsi seulement il est avec nous et nous aide.»
Dieu est avec nous. Il partage notre sort quand « la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement » (Romains 8, 22).