Ce n’est pas sans émotion que les catholiques ont appris ton élection comme évêque de Rome et successeur de Benoît XVI. On criait de joie sur la place Saint-Pierre dès les premières volutes de fumée blanche. Personnellement, je retenais mes ardeurs : ce n’est pas tout d’avoir un pape, il en faut un bon! Je préférais en connaître le nom avant d’applaudir ou de faire la moue.
Le cardinal Taurant annonça solennellement ton élection. J’ai d’abord été surpris par le nom de ton pays. Le pape vient d’un continent autre que l’Europe. Il vient de l’Amérique du Sud, il vient d’Argentine. Voilà du neuf, du vrai neuf. Moi qui commençais à désespérer des vieilles rides de mon Église, je reprenais confiance. Mon Église pouvait dégager encore des odeurs printanières!
Ma deuxième surprise, ton nom. Qui est donc ce Jorge Mario Bergoglio? Tu étais pour moi un illustre inconnu. Tu ne faisais pas partie de la liste des «papables». Je n’avais jamais entendu ton nom. Je connaissais encore moins ton histoire, tes bons coups, tes faiblesses, le témoignage de ta foi. Il faut des ingrédients particuliers dans la recette d’un bon pape. Et les recettes changent d’un conclave à l’autre. Que goûteront les faits et gestes de ce Bergoglio?
Tu apparus au balcon. Un geste de la main, puis plus rien pendant quelques minutes. Tu ne bougeais pas. Figé? Paralysé? On dirait qu’il vient de prendre conscience de l’ampleur de son oui… Va-t-il reculer?
Alors, on approcha un micro. Et tu t’es adressé aux gens qui hurlaient sur la place Saint-Pierre. Et j’ai eu le coup de foudre! Tu as demandé la bénédiction de la foule avant de donner la tienne. Tu voulais la prière des simples fidèles pour avoir le droit d’offrir la tienne. Un second conclave pour ratifier le premier. J’ai compris dans ce geste que tu voulais être notre frère et non notre roi. J’ai compris que tu voulais que nos relations soient fraternelles et non hiérarchiques. Tu t’es incliné pour recevoir la réponse de Dieu à nos prières. Devant l’écran de la télé, j’ai prié, j’ai vraiment prié.
Dans la même ligne, j’ai apprécié que tu t’adresses à nous en disant : «Frères et sœurs…» Tu ne voulais exclure personne. Depuis plusieurs jours, la télé nous projetait des hommes, que des hommes, et des hommes aux postes de commande. En trois mots, tu rétablis l’équilibre : nous serons surtout des frères et des sœurs, sans exclure qui que ce soit. Et comme tu es friand de conversation, j’espère que nous reprendrons la conversation sur le statut des uns et des autres, des unes et des autres dans la grande famille de Jésus Christ.
J’ai beaucoup apprécié le ton de ta brève apparition publique au sortir du conclave. Pas de fausse humilité. Beaucoup de simplicité. Décidément, le Saint Esprit a encore du pouvoir dans l’Église!
Prions l’un pour l’autre.