«Le pardon est là précisément pour pardonner ce que nulle excuse ne saurait excuser. Il est fait pour les cas désespérés ou incurables.» (Vladimir Jankélévitch) Autrement dit, le pardon existe pour pardonner l’impardonnable. Il fait partie des situations limites. C’est pourquoi il est souvent jumelé à son contraire : la vengeance.
Le pardon est difficile à accorder d’autant plus qu’il n’est pas en bons termes avec la justice. Celle-ci cherche à faire payer l’offense. Faire subir à l’autre le mal qu’il me fait subir. Goûtes-y à ton tour! Et tout sera réglé. Les choses reviendront comme auparavant, pense-t-on.
Le pardon, pour sa part, ne règle rien. Il semble laisser en plan. Il se situe à un autre niveau que la justice. Au lieu de faire payer, il entreprend une démarche de guérison, et une guérison dans les deux sens. Le bourreau a autant besoin de guérison que sa victime. Il faudra donc du temps, parfois beaucoup de temps, pour apprivoiser ce qui s’est produit, pour se réapprivoiser mutuellement. Il faudra du temps à la victime pour assumer sa souffrance, pour au moins digérer son humiliation. Il faudra du temps à l’agresseur pour reconnaître sa gaffe et la portée de celle-ci.
Jankélévitch réserve le pardon aux «cas désespérés ou incurables». Mais nous pouvons faire appel au pardon dans des situations moins catastrophiques. Ne serait-ce que pour nous pratiquer à pardonner et à nous laisser pardonner. Anatole France a dit : «Il faut beaucoup se pardonner à soi-même pour s’habituer à pardonner aux autres.»
Plus que la justice, le pardon combat l’escalade de la violence. Répondre à la violence par la violence, c’est risquer de poursuivre par une violence plus grande et ainsi de suite. Loin d’être une démission, le pardon contribue à anoblir la victime et à transformer le bourreau. Il rend plus humains l’un et l’autre.
Parlant du pardon, Charles Péguy dit : «De toutes les paroles de Dieu, c’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond. C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur.»
Ce n’est que le début de la pensée de V. Jankélévitch sur le pardon où il le définit, ensuite il évoque la shoah en précisant qu’on ne peut pardonner à la place des victimes, et il termine en écrivant qu’il y a de “l’impardonnable”; la dernière phrase de son écrit évoque les bébés que les nazis tuaient avec une piqûre de phénol dans le cœur.
Avez-vous lu son texte en entier ou bien ne retenez-vous que ce qui vous arrange? Dans le 1er cas, c’est de l’ignorance, dans le second, c’est de la malhonnêteté intellectuelle.
Chère lectrice, si votre commentaire reflète votre conception de l’échange intelligent et respectueux, je vous inviterais à faire de nouveaux progrès. En société, il est possible d’affirmer une opinion contraire sans insulter la personne avec qui l’on a un désaccord.
Yves Bériault, o.p.
Responsable du site Spiritualité 2000