Un jour, une moniale me confia qu’elle ne priait jamais pour elle-même. Auprès de Dieu, toutes ses demandes concernaient les autres, ses proches comme l’ensemble des êtres humains. «J’espère cependant, ajouta-t-elle, que les autres prient pour moi!»
La générosité de cette sœur est admirable. Il y a beaucoup de charité dans son attitude. Sa prière se déploie comme un immense service qu’elle offre à l’humanité. Je me permis toutefois de lui conseiller de prier pour elle-même et pas seulement pour les autres. Sûrement que d’autres priaient pour elle et qu’elle n’était pas abandonnée dans quelque oubliette entre la terre et le ciel!
Sûrement que Dieu porte sa petite fille dans son cœur et qu’il n’a pas besoin qu’on lui rappelle son nom et qu’on lui étale ses besoins. La prière n’existe pas pour informer Dieu de nos problèmes et lui suggérer des solutions. La connaissance de Dieu est sans frontière. Il nous connaît, dirait ma mère, parce qu’il nous a tricotés. Il nous connaît plus que nous nous connaissons nous-mêmes. Il veut notre bonheur avant même que nous lui suggérions des moyens de nous rendre heureux. Et les moyens qu’il propose sont plus sûrs que nos suggestions.
Mais alors pourquoi prier? Pourquoi demander? Pourquoi supplier? Parce que nous en avons besoin. Nous avons besoin de prier pour ne pas nous résigner à notre sort. Quelque chose doit changer dans notre vie ou dans celle de nos proches. Notre santé est défaillante; notre situation financière est chaotique; les relations avec nos proches sont tendues; nous ne supportons pas la peine que connaît un ami… Pas besoin d’allonger la liste de nos besoins. Chacun de nous parvient à la dresser sans difficulté.
Dans la prière, nous évoquons ces pauvretés. Nous les analysons sous le regard de Dieu. Nous espérons qu’il nous écoute. La prière nous aide à clarifier, à faire les bons choix. Elle nous conduit à adopter le regard de Dieu au delà de notre propre regard.
La prière de demande est d’autant plus importante qu’elle nourrit en nous le désir. Le désir nous construit. Il nous ouvre à nous-mêmes, aux autres, à Dieu. Il est à la source de nos engagements comme du dynamisme qui nous anime. Plus nous creusons en nous le désir, plus nous avons la possibilité de nous réaliser, de nous épanouir. Nous vivons de notre désir. Par conséquent, la prière nous fait vivre. Elle peut nous épanouir.
Finalement, présenter à Dieu nos besoins, évoquer en sa présence notre désir, c’est manifester que nous croyons que Dieu est concerné par ce que nous vivons. Non seulement il n’est pas indifférent mais notre bonheur le concerne. Plus que nous encore, il est responsable de notre existence, du sens de notre vie…
La prière de demande n’est donc pas une prière au rabais. Elle occupe une place tout aussi honorable que la prière de louange et que l’action de grâce. Elle est un acte de foi en la présence de Dieu. Elle transforme notre désir pour en faire une espérance. Elle nourrit notre amour de nous-mêmes, des autres, de Dieu.
Donc, ne vous gênez pas pour demander…