Nous savons tous combien nous sommes confortables dans nos vérités. Nous savons aussi que tout bascule, le jour où nous sommes confrontés au doute et à l’incertitude face à ces mêmes vérités. Nos mécanismes de défense se mettent alors en route car, bien sûr, nous ne pouvons pas être dans l’erreur! Nous résistons alors de toutes nos forces, puis vient un beau jour le doute avec le questionnement. Cette étape est particulièrement épuisante, mais elle est très enrichissante, car un véritable chemin de vie s’ouvre alors devant nous, à mesure que nous acceptons que tombent nos certitudes.
« Qu’est-ce que la vérité » (Jn 18,38) demande Pilate à Jésus lors de son procès qui le conduira à la mort? A cette question, Jésus ne répond pas, comme pour nous laisser découvrir par nous-mêmes la réponse. La question de la vérité, ou de la justesse de nos options, demeure en effet pour nous une préoccupation constante. Elle mérite qu’on s’y attarde comme croyants et croyantes en cette époque troublée, où nos communautés doivent être plus que jamais ouvertes au changement et aux multiples questionnements auxquels elles sont confrontées. Or, il faut bien nous l’avouer, il y a plusieurs choses pertinentes dans les critiques que nous entendons, et nous y attarder pour penser et faire les choses autrement peut s’avérer plus que bénéfique.
La vérité, ou la justesse de notre vie, en Église tient à l’essentiel de notre foi, ou plutôt à ce Dieu trinitaire qui, par son Fils Jésus, le Verbe fait chair, est entré en relation avec nous pour nous révéler le Père et nous indiquer le chemin pour aller jusqu’à lui. Toute la vie de Jésus est relation, relation avec le Père et relation avec les autres, tous les autres, quels qu’ils soient. Verbe de Dieu, Jésus ne parle jamais de lui-même, mais il nous dit qui est le Père et il nous révèle son amour. Par lui nous connaissons le Père, en qui notre vérité se fonde.
Dans l’Évangile, nous apprenons que la vérité dont parle Jésus ne relève pas seulement de l’intelligence et des connaissances, mais aussi du cœur et de l’amour. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour » (Jn 15,9). Telle est la grande vérité que Jésus nous livre. Tel est aussi le chemin qu’il nous propose de suivre. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Pour nous montrer de quel amour il s’agit et combien cet amour est vrai, il va jusqu’à laver les pieds de ses disciples. Dans l’Eucharistie, Jésus, en tant que Parole du Père, se donne même à nous en nourriture. Établis dans cette communion et cette fidélité, nous pouvons faire Église ensemble et, par le fait même, vivre avec audace les déplacements de la foi et nous ouvrir plus librement à la réalité toute entière.
En ces temps troublés, il se peut que nous ayons la tentation de nous accrocher aux aspects secondaires et vieillis de l’Église, quitte à nous accrocher à des choses dépassées et qui ne répondent plus à la réalité du monde actuel. Et nous oublions ce qui fait l’essentiel, la vérité de notre foi, à savoir la personne du Christ. Nous oublions ce que c’est que faire Église, faire partie d’un même Corps, celui du Christ, tous ensemble selon nos charismes à chacun. Or, si nous sommes tournés vraiment vers le Christ, nous serons totalement dans le vrai. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), nous a dit Jésus. Il avait dit aussi : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jn 8, 31-32).
Jacques Marcotte, OP
en collaboration avec Anne Saulnier
Québec