L’écoute de la Parole de Dieu construit l’Église
Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous,
tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole.
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après m’être informé soigneusement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi, cher Théophile, un exposé suivi,
afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus.
Lorsque Jésus, avec la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région.
Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture.
On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération,
annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire : « Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. »
COMMENTAIRE
La grande célébration liturgique qui est relatée dans le livre de Néhémie se déroule après le retour d’exil, vers 450-500 avant Jésus-Christ. Le prêtre Esdras lit solennellement « le livre de la Loi de Moïse » au peuple qui s’est « rassemblé » à Jérusalem. Les Israélites qui étaient dispersés et exilés sont venus célébrer leur unité nouvellement retrouvée et leur rassemblement leur apparaît comme l’œuvre de la fidélité de Dieu.
« Et tout le peuple se rassembla comme un seul homme » (Ne 1,1). Le peuple rassemblé « comme un seul homme » devient « l’assemblée » ; le mot, employé ici (Ne 1,2) est très utilisé dans le Nouveau Testament ; c’est de ce mot grec « ecclèsia » que vient notre mot « Église ». L’écoute de la Parole de Dieu réunit des exilés et fait naître une « assemblée » ; on pourrait presque dire : une « Église ». Il en est de même pour Jésus, Parole vivante de Dieu, dont saint Jean dit qu’il meurt « afin de rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52).
L’Église, c’est le rassemblement des enfants de Dieu dispersés. Saint Paul la compare au corps humain dont les membres, dans leur diversité, forment une réelle unité : « S’il n’y avait qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? Il y a à la fois plusieurs membres et un seul corps. » L’Église n’est pas une association, un club de sport ou un parti politique dont on deviendrait membre en payant une adhésion, parce qu’on partagerait les mêmes idées, les mêmes passions, les mêmes intérêts. « Vous êtes le corps du Christ, dit Paul, et chacun pour votre part, vous êtes des membres de ce corps. » L’Église est une communauté vivante, le « Corps du Christ » dont nous sommes tous des membres.
Le travail d’unification de l’Église résulte de l’œuvre mystérieuse et cachée de l’Esprit Saint. « Nous avons tous été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps » (1 Co 12,13). Si, dans le credo, nous parlons d’Église « une et sainte », c’est parce que son mystère est intimement lié à celui de l’Esprit. « Là où est l’Église, là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce », écrivait saint Irénée de Lyon au 3e siècle.
C’est ce que l’évangile nous rappelle aussi en nous disant que Jésus arrive à Nazareth « avec la puissance de l’Esprit », plus littéralement « dans le dynamisme de l’Esprit » (Lc 4,14) ; il y exprime sa mission en lisant des mots du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi… Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, aux aveugles qu’ils verront la lumière… »
Après une semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous savons combien la recherche de l’unité n’est pas d’abord une œuvre humaine à réussir contre vents et marées, par toutes sortes d’efforts diplomatiques. Elle ne peut être que la réussite de l’Esprit. À nous cependant de contribuer à son œuvre, car l’Esprit ne pourra agir en vue de l’unité que si chacun des membres du Corps la désire et y travaille. Notre frère Yves Congar a pu écrire que l’œuvre du Saint Esprit est d’« amener à l’unité ce qui est pluralité et diversité, et cela sans violence, en inclinant du dedans comme par une pente spontanément et joyeusement suivie. »
La désunion ou de la division des chrétiens révèle que des forces s’opposent à l’action de l’Esprit dans l’humanité, dans les Églises, en chacun de nous. En certains lieux du monde, ces forces de violence, de haine, se déchaînent et ensanglantent notre humanité. Ces forces de chaos surgissent comme des séismes chaque fois que des hommes refusent à d’autres le droit à l’existence ou à la différence. Le monde a besoin de réconciliations, de pacification, d’unification. Il a besoin de la Bonne Nouvelle de Celui qui est venu libérer et guérir l’humanité de ses divisions et de ses blessures afin de rassembler les hommes de toutes langues peuples et nations dans son unique Corps.
L’Esprit Saint a besoin de la collaboration de chacun de nous pour réaliser cette œuvre. L’unité se fera sans aucun doute si nous progressons tous humblement dans la pratique du commandement de Jésus : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » L’Esprit seul peut, sans violence, nous incliner du dedans, pour nous aider à le mettre en pratique. L’Esprit d’amour est le ciment de l’Église. Pour réaliser l’unité, il nous invite à accueillir nos différences comme des dons et des richesses. Qu’il nous apprenne à rechercher cette unité dans le respect des différences. La semaine de prière pour l’unité des chrétiens est terminée, mais pas le travail de l’Esprit… Continuons de collaborer à son œuvre par une incessante prière.
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.