Saint Bernard (1090-1153), moine de Cîteaux, abbé de Clairvaux, conseiller des papes et des rois, prédicateur de la Croisade, fut avant tout un homme assoiffé de solitude, afin de s’y livrer à la pénitence et à la prière, et de pénétrer ainsi dans le Mystère de Dieu. Homme d’action incomparable, Bernard est un contemplatif pour qui tout se résume dans l’amour.
Travaillons pour une nourriture qui ne périt pas, travaillons à l’œuvre de notre salut. Travaillons dans la vigne du Seigneur pour obtenir le denier – le salaire de la journée. Travaillons dans la sagesse, elle qui dit : « Ceux qui travaillent en moi ne pécheront pas. » « Le champ, c’est le monde », dit la Vérité, creusons-le. Un trésor y est caché, trouvons-le : c’est la sagesse, elle que l’on tire des profondeurs cachées. Tous, nous le cherchons, tous, nous le désirons.
«Si vous cherchez, cherchez bien», dit le prophète : « convertissez-vous et venez ». Tu te demandes de quoi il faut te convertir ? « Détourne-toi de ta volonté propre », est-il écrit. Mais, dis-tu, si je ne trouve pas la sagesse dans ma volonté propre, où la trouverai-je ? Mon âme, en effet, la désire avec force, et s’il lui arrive de la trouver, elle ne se contentera pas de cela, mais elle en voudra « une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante », que je puisse verser dans mon tablier. Elle a raison, certes : « Heureux en effet, l’homme qui a trouvé la sagesse et qui acquiert l’intelligence ». Cherche-la donc tant qu’on peut la trouver, et tant qu’elle est proche ? « La Parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur », mais seulement à la condition que tu la recherches d’un cœur droit. De la sorte, tu trouveras la sagesse avec ton cœur, et l’intelligence abondera dans ta bouche. Qu’elle y abonde, oui, mais qu’elle n’en déborde pas : prends garde de ne pas la vomir !
C’est vraiment du miel que tu as trouvé, en trouvant la sagesse. Pourtant n’en mange pas trop, pour ne pas la vomir d’écœurement. Manges-en de manière à rester toujours sur ta faim. Car c’est elle qui dit « Ceux qui me mangent auront encore faim ». Ne va pas estimer comme une grande quantité ce que tu as; ne t’en gorge pas pour ne pas la vomir : cela même que tu parais avoir te serait enlevé, car avant qu’il ne soit temps tu te serais arrêté dans ta recherche. Or, tant qu’on peut la trouver, tant qu’elle est proche, il ne faut cesser de la chercher et de l’appeler. Sinon il en sera « comme de celui qui mange beaucoup de miel » : Salomon lui-même le dit bien : « Cela ne lui vaut rien, car celui qui aura cherché sans discrétion la majesté sera écrasé par la gloire. »
En effet, de même qu’il est écrit : « heureux l’homme qui a trouvé la sagesse », de même : « heureux l’homme, et même plus heureux, s’il persévère dans la sagesse » : et de fait, c’est peut-être bien en cela que consiste son abondance.
Voici les trois manières dont tu peux avoir la bouche pleine de sagesse et d’intelligence : d’abord par l’aveu de ta propre injustice, ensuite par l’action de grâce et la proclamation de la louange, enfin par une parole qui édifie. Car « celui qui croit du fond de son cœur devient juste : celui, de sa bouche, affirme sa foi, parvient au salut. » C’est vrai d’ailleurs : « Dès qu’il se met à parler, le juste se fait son propre accusateur. » En deuxième lieu, il faut qu’il exalte le Seigneur, et en troisième lieu (s’il lui reste encore de la sagesse), il doit édifier son prochain.
(Liturgie des Heures, Tome I, p.557.)