Depuis quelques semaines, le Canada traverse une période difficile dans les relations entre le gouvernement et les autochtones. J’écris «depuis quelques semaines», mais à vrai dire, c’est depuis l’arrivée des premiers européens. L’histoire nous rappelle aussi que les Premières Nations ne cohabitaient pas toujours dans l’harmonie et dans la paix, avant même l’arrivée des Français et des Anglais. Nous avons de la difficulté, les uns et les autres, à vivre ensemble, à partager non seulement le territoire, mais aussi nos diverses cultures, nos différentes mentalités, nos sagesses particulières.
Malgré quelques siècles de vie commune, nous continuons d’être des étrangers les uns vis-à-vis des autres. Des préjugés persistent qui semblent indéracinables. Des manières de faire des uns sont toujours incomprises des autres. Ces incompréhensions se bousculent mutuellement et creusent des fossés entre nous.
Notre expérience de la différence ne se limite pas à nos rapports avec les Premières Nations. Nous recevons de plus en plus d’immigrants et de réfugiés. Ils viennent de pays très différents du nôtre, à l’esprit et aux mentalités qui nous semblent à l’opposé des nôtres. On calcule par centaines les diverses langues maternelles dans les grandes villes du pays. Même les petits villages éloignés des grands ensembles connaissent la diversité des races et des cultures.
Faut-il parvenir à vivre ensemble? Nous ne souhaitons pas qu’il existe des ghettos, des apartheids, et même des réserves à l’intérieur des frontières des pays et au sein des peuples. Sans nous en rendre compte cependant, nous en construisons depuis toujours. Chaque pays a sa personnalité, sa philosophie, sa mentalité. Au Pakistan, on ne vit pas comme en Ontario. Les Suédois sont différents des Italiens, même s’ils font partie du même continent.
De nos jours, les communications se multiplient. Les migrations s’accentuent. Nous sommes confrontés à de nouvelles formes de cohabitation. Mon voisin est libanais. Je suis pour lui un québécois de souche, plus français que canadien même. Il en est ainsi dans la plupart des régions du monde.
Il faudra donc inventer de nouvelles façons de vivre ensemble, de partager les territoires, de nous habituer les uns aux autres rapidement, d’accepter d’être envahis par la différence.
Défi de taille que cet apprentissage. Par nature, les changements de mentalités se font lentement. Or, les déplacements que nous connaissons actuellement sont rapides. Comment concilier cette course à plusieurs vitesses? Comment parvenir à un minimum d’harmonie sans nous bousculer outre mesure?
Il n’existe pas de recette miraculeuse. Nous apprenons à vivre ensemble au jour le jour. Nous créons au fur et à mesure la fraternité, la coexistence pacifique. Dans le partage quotidien, nous découvrons les richesses les uns des autres et profitons de ce que les autres nous apportent. Tout en acceptant qu’il restera toujours des adaptations à faire, que nous ne vivrons plus jamais la belle unanimité de nos harmonieux villages d’autrefois.
Dans les crèches de Noël, il y a quelques semaines, il y avait non seulement des bergers mais aussi des mages venus d’Orient. Le petit juif dans la mangeoire annonçait déjà, dans cette rencontre des peuples, la nécessité de nous accepter les uns les autres.