Le ciel est ouvert : Dieu vient à notre rencontre
Le peuple venu auprès de Jean Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu.
Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s’ouvrit.
L’Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre : « C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. »
COMMENTAIRE
Le temps de Noël et de l’Épiphanie est terminé : Dieu s’est vraiment fait homme pour révéler sa gloire cachée. Les trois lectures soulignent bien que la gloire du Seigneur se révèle et que tout homme le verra (Is 40,5), que la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes (Tite 2,11), et que notre bienheureuse espérance, c’est la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ (Tite 2,13). Le baptême de Jésus est donc l’occasion d’une « Révélation » que Dieu veut faire à tous ceux qui sont assez petits et humbles pour se déplacer vers lui, comme les bergers et les mages, pour l’accueillir et le reconnaître en s’approchant de Jésus.
Dans son évangile, Luc a complètement estompé la scène du baptême de Jésus ! Même le personnage de Jean le Baptiste en est absent ! Il veut attirer notre attention sur ce qui fait suite au baptême : le ciel s’ouvrit, l’Esprit Saint descendit sur Jésus, une voix céleste se fit entendre : « Tu es mon Fils ! » Au baptême de Jésus, le ciel est donc grand ouvert ! Cela rappelle un peu les cieux ouverts à travers lesquels Étienne, au moment où il est lapidé, voit le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu (Ac 7,56).
Le but de la mission de Jésus n’est-il pas d’ouvrir ce « ciel » qui sépare Dieu et les hommes ? Jésus est Celui qui est descendu du ciel, la voix du Père vient du ciel, l’Esprit descend du ciel sous la forme d’une colombe… Remarquons que Jésus reste silencieux ; il est en prière, tout à l’écoute du Père. C’est le Dieu caché qui parle et se révèle comme un « Père », en nommant Jésus « mon Fils » et en lui disant : « aujourd’hui, je t’ai engendré ». Luc nous livrera plus tard les mots qui habitaient sans doute la prière silencieuse de Jésus à ce moment-là : « Je te loue Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits… » (Lc 10,21).
Étrangement, cette parole de révélation ne semble concerner que Jésus : la voix s’adresse à Jésus seul et le peuple mentionné un peu avant semble avoir disparu de la scène. Mais, de toute évidence, cette relation particulière entre Jésus et le Père est ouverte à tous ceux qui, comme nous, sont des témoins de la scène. Nous voilà donc invités à un court moment d’arrêt, un bref éclair de contemplation, un intense instant de silence et d’écoute attentive. L’enfant de la crèche est devenu adulte ; nous avons vénéré le fils de Marie ; il nous faut sortir de l’enfance pour suivre le Fils de Dieu fait homme qui reçoit aujourd’hui sa mission.
Mais il y a un troisième intervenant dans la scène ! Luc, plus que les autres évangélistes, souligne la présence de l’Esprit Saint. Il y a ici comme une révélation du Dieu trinitaire : sont en effet présents le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Les Trois Personnes divines sont ainsi, dès le début de la mission de Jésus, pleinement impliquées, chacune à sa manière, dans le grand mystère de notre salut. Si Jésus est le Fils unique engendré du Père (Jn 1,14), il reçoit aussi du Père la mission d’être le Sauveur de tous les hommes (Ga 4,4 ; Jn 3,17 ; 1Jn 4,9). Ainsi, si Jésus vient à notre rencontre pour nous faire connaître le Dieu invisible et caché, c’est parce que c’est le projet du Père de se faire voir à travers Jésus qui, selon la belle expression de Paul, est « l’icône du Dieu invisible » (Col 1,15) : qui voit Jésus, voit le Père (cf. Jn 14,9).
Pour accomplir sa mission, Jésus n’est pas seul. L’Esprit Saint repose sur lui pour le conduire, être sa force dans les épreuves, pour accomplir jusqu’au bout ce que le Père attend de lui : ouvrir le ciel pour tous les hommes. Le but de la mission de Jésus est, en effet, de répandre l’Esprit Saint sur tous ceux qui l’accueillent. Avec le don de l’Esprit Saint, le ciel n’est donc plus au-dessus de nos têtes ! Il est en nous, comme le dit si bien Angélus Silésius : « Homme, si le ciel n’est pas d’abord en toi, crois bien que jamais tu n’y entreras » ; ou encore : « Arrête, où cours-tu donc ? Le ciel est en toi. En cherchant Dieu ailleurs, tu Le manques sans fin. » Ainsi, le projet du Père va se réaliser par Jésus avec l’aide de l’Esprit Saint : le ciel est ouvert et Dieu vient à notre rencontre.
Au commencement de la vie publique de Jésus, c’est le Père qui parle. Aujourd’hui, comme Jésus, écoutons et accueillons en silence cette révélation. Quand viendra l’heure de Gethsémani et de la croix, le Père gardera le silence et c’est Jésus qui parlera : « Père, que ta volonté soit faite ! » ; « Père en tes mains je remets mon esprit ! » Le silence du Père laissera place à la parole du Fils, sollicitant surtout notre acte de foi. Car c’est au pied de la croix, quand Jésus meurt, que le Centurion (qui nous représente tous) semble confirmer la parole du Père, prononcée au baptême : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » (Mc 15,39). L’entrée dans ce mystère nous invite au silence…
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.