Monsieur,
Vous avez participé à la grande guignolée du temps des fêtes. Et je suis le privilégié qui a reçu votre panier de Noël. Je m’empresse de vous remercier sincèrement pour votre grande générosité. Grâce à vous, mon Noël sera plus ensoleillé.
Je n’ai pas encore examiné le contenu de votre panier. Je laisse durer le désir. Mais surtout j’essaie de deviner ce qu’il contient. Vous devez sans doute avoir choisi des légumes et des fruits, un morceau de jambon ou une petite dinde, diverses denrées.
Surtout, j’espère trouver un peu de compassion. La vie n’est pas facile en ces jours de crise économique. Comme tout le monde, je suis touché. Et même, peut-être davantage. Avant que les produits alimentaires me soient offerts sur les étalages des marchés, ils ont parcouru une longue chaîne de producteurs. Ceux-ci ont augmenté les prix de leurs services pour faire un peu de profit et éviter la faillite. Quand leurs denrées me parviennent, la facture est particulièrement corsée. C’est nous, les petits, au bout de la chaîne qui assumons les véritables frais qu’occasionne la crise. Une pincée de compassion, ce n’est pas trop demander, j’espère.
En plus de ces fines herbes si indispensables, je souhaite trouver de l’espoir dans votre panier. Quand il y a de l’espoir, il y a de la sérénité. On prend la vie plus calmement. On panique moins quand vient le temps de payer son loyer. On s’énerve moins à la fin du mois alors qu’il faut gratter les fonds de tiroir pour assurer du macaroni au fromage à ses enfants. L’espoir, c’est la chaude mie de pain qu’on retire du fourneau.
Enfin, qu’il y ait quelques onces d’attention, quelque chose qui ressemble à un début d’amitié. Autrefois, les quêteux comme moi tendaient la main en disant : «La charité, pour l’amour du bon Dieu.» J’espère que vous me faites la charité pour l’amour de Dieu et, à travers lui, pour l’amour du pauvre que je suis. La pauvreté nous tient tellement à l’écart de l’ensemble de la population. Vous me direz que les riches vivent aussi à l’écart. C’est vrai. Mais rapprochons-nous vous et moi. nous serons alors au moins deux à ne plus vivre à distance.
Pour favoriser notre rencontre, je suggère d’inventer ensemble d’autres paniers à offrir à différentes périodes de l’année. Il ne serait pas nécessaire qu’ils soient très gros : une banane, deux pommes, un litre de lait… Juste un prétexte pour nous rencontrer. De mon côté, je pourrais mettre dans le panier : un ou deux services à vous rendre, selon mes talents et mes habiletés.
Évitons d’enfermer nos générosités dans une seule fête par année. Nous avons faim douze mois par année. Nous avons besoin les uns des autres cinquante-deux semaines par année.
Je vous souhaite un très chaleureux Noël. Et merci encore une fois.
Un pauvre reconnaissant.