Corruption dans l’univers de la construction, corruption parmi ceux et celles qui gèrent nos institutions gouvernementales, corruption même dans l’Église que certains salissent dans des conduites pédophiles. Corruption, corruption, corruption… Nous n’avons que ce mot à la bouche depuis quelques mois. Nous goûtons la recette que nous concocte une commission d’enquête chargée de brasser le merdier jusqu’à la dernière goutte de malhonnêteté. Le mandat de cette commission se limite au monde de la construction, mais l’enquête réveille d’autres cadavres. Elle ressuscite d’autres scandales. Et les médias se font un plaisir de présenter et de commenter les défaillances de l’un ou de l’autre de ceux et celles qui se sont graissés à coup d’enveloppes brunes, de pots-de-vin et de primes de départ. Au sommet de l’abomination, il se trouve de bons citoyens qui manifestent leur admiration à l’endroit des crapules : ils ont «réussi» dans leur vie, ils ont rempli leurs coffres-forts jusqu’au débordement. Bravo! Comme ils sont admirables de réussite!!! L’avare de Molière comme celui de Claude-Henri Grignon ne seraient pas allés aussi loin.
Nous étions honnêtes au Québec… Au moins de réputation. Le confessionnal en était témoin : nous avions les mains propres, la plupart du temps. En périodes électorales, nous pouvions oublier quelques principes moraux! Mais, en général, nous avions l’impression qu’il n’existait pas de gros bandits sauf parmi certains gorilles formés par la mafia. Pour l’ensemble, il n’existait que de minuscules amateurs de larcins, un peu de contrebande, un alambic ou deux au fond du hangar. Nous étions presque parfaits. Monsieur le curé était fier de nous et ses prêches n’étaient virulents que pour la forme.
Mais le paysage québécois a perdu de sa ramure et de son parfum. Nous n’avions sauvé que les apparences. En réalité, nous avons besoin d’une bonne conversion, un lavage en règle. Plus que les gestes à punir, nous avons besoin de convertir un regard, une manière de comprendre les faits et gestes, de les évaluer, d’en saisir l’aspect éthique.
Devant le spectacle, le triste spectacle, le monde ordinaire est en colère. Le cynisme explose de tout bord et de tout côté. Certains, et ils sont de plus en plus nombreux, ont perdu confiance en nos institutions et en ceux qui occupent des postes au sein de celles-ci. Les affaires publiques ne les intéressent plus. N’observant plus la scène sociale, n’exerçant plus de vigilance, ils permettent à certains de se dire : «Il n’y a plus de loi qui tienne, profitons-en!» Les bons encouragent donc ainsi les mauvais.
Il faut briser ce cercle vicieux. Pour retrouver la confiance, il faut regarder les belles réussites dans le tableau social, les bons coups qui font notre fierté. C’est le judicieux conseil que Gérard Bouchard lançait dans un article au journal Le Devoir de mercredi dernier : «Pour contrer ces sentiments, le moment est bien choisi de nous livrer à des rappels plus réjouissants, à savoir des réalisations absolument remarquables dont les Québécois ont été les auteurs au cours des dernières décennies et qui, malheureusement, semblent échapper à l’opinion.» (Le Devoir, le mercredi 28 novembre 2012, p. A9)