Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera.
Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.
COMMENTAIRE
Dans le passage des Actes des Apôtres, Pierre et ceux qui étaient avec lui à Césarée, la capitale romaine de la Judée où résidait le Procurateur, constatent que l’Esprit Saint est donné à des païens avant même qu’ils soient baptisés. Voilà une bien surprenante histoire de Pentecôte que nous avons bien de la peine à comprendre à une époque où, dans certains diocèses, on ne donne pas le sacrement de la confirmation aux nouveaux baptisés adultes le jour (ou la nuit) de leur baptême : on leur demande d’attendre encore un an pour recevoir le sacrement du Saint Esprit et certains ne le reçoivent jamais. Le baptême présuppose que le catéchumène qui le demande a déjà reçu la grâce du Saint Esprit puisqu’il lui est demandé de confesser oralement sa foi avant de s’approcher de la cuve baptismale. Comment pourrait-il confesser sa foi sans l’aide de l’Esprit ? Selon les propres mots de saint Paul, « nul ne peut dire que Jésus est Seigneur si ce n’est par l’Esprit Saint » (1Co 12,3).
L’importance du Saint Esprit est une donnée essentielle du Nouveau Testament ; les autres lectures de ce dimanche nous le rappellent. Pour vivre en chrétien, nous avons besoin de la présence du Saint Esprit en nous. On ne devient pas chrétien quand on récite parfaitement le Credo par cœur. On le devient quand on découvre qu’on est habité par un Autre qui invite du plus intime de soi à lui faire confiance et à vivre en collaboration, ou plus exactement en connivence, avec lui. On devient chrétien parce que l’Esprit Saint vous y pousse du dedans en respectant votre totale liberté. C’est un mystère difficile à comprendre. Le chrétien est avant tout un être « spirituel », c’est-à-dire un « temple du Saint Esprit » (1Co 6,19). Un grand starets russe qui vécut au 19e siècle, saint Séraphin de Sarov, dans le très célèbre entretien avec Motovilov, dit cette parole toute simple : « Le vrai but de la vie chrétienne consiste en l’acquisition du Saint-Esprit de Dieu. » En effet, le Saint-Esprit est certainement le plus grand trésor du croyant chrétien. Pourtant beaucoup d’entre nous ne le savent pas.
Le passage de l’évangile de Jean, comme celui de sa première épître, nous invitent à nous recentrer sur l’essentiel de l’enseignement de Jésus qui nous demande de nous aimer les uns les autres comme lui-même nous a aimés. C’est le grand commandement qui résume tous les autres. Mais comment réussir à le mettre en pratique sans la présence du Saint-Esprit en nous ? Paul écrit que : « l’amour a été versé dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné » (Rm 5,5). Pour pouvoir aimer comme Jésus, il nous faut donc accueillir le Saint-Esprit. Et puisque « l’amour vient de Dieu » (2e lecture), il n’est possible d’aimer que dans la mesure où Dieu verse en nous son propre amour. Toute la clé de l’expérience chrétienne est dans ce dynamisme de l’Amour divin qui est donné si bien que « ceux qui aiment connaissent Dieu » puisque « Dieu est amour ».
S’il ne suffit pas de savoir réciter le Credo pour se déclarer chrétien, il est primordial de mettre en pratique dans sa vie quotidienne le commandement de l’amour. Dans le chapitre 25 de l’évangile de saint Matthieu, le jugement porte uniquement sur la charité envers ceux qui ont faim, qui sont nus, malades, en prison… Dans cette parabole du jugement dernier, ce n’est pas sur la foi récitée que le Fils de l’homme porte son jugement mais sur la pratique de la charité ! Saint Paul peut donc écrire : « si j’avais une foi à transporter des montagnes et que je n’ai pas la charité, je ne suis rien » (1Co 13,2) car la plus grande parmi la foi, l’espérance et la charité, c’est la charité (1Co 13,13). Quant à saint Jacques, il rappelle aussi dans sa lettre que la foi reste morte sans les œuvres de la charité (cf. Jc 2, 14-17).
Ainsi, la vie chrétienne consiste d’abord et avant tout à apprendre à aimer en imitant Jésus dans sa manière d’aimer : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ! » (Jn 15,13). Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus a pu ainsi écrire sans le manuscrit C : « Pour vous aimer comme vous m’aimez, il me faut emprunter votre amour ». N’est-ce pas cela la grâce du Saint-Esprit ? En effet, puisqu’il habite dans nos cœurs, il peut nous apprendre à tout faire avec charité, jusque dans les toutes petites choses ! Et c’est alors que nous découvrons que nous sommes chrétiens !
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.