Ne nous trompons pas de pasteur !
Jésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis.
Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse.
Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.
Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent,
comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite.
Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
COMMENTAIRE
Dans les magnifiques paysages de Palestine, dans les grandes plaines de Galilée, dans les montagnes de Judée, dans les déserts de Juda et du Néguev, partout, on rencontre des troupeaux de brebis, toujours accompagnés de leur pasteur, lequel d’ailleurs est souvent un enfant : il marche en avant et le troupeau le suit en file indienne. Cette tradition pastorale remonte aux temps des patriarches. Abraham conduisait les troupeaux, de même Jacob et Moïse, David et Amos. Partout, dans la Bible, l’image sert à décrire le peuple de Dieu qui marche avec le Seigneur comme seul guide, comme unique Pasteur. Jésus se réfère à cette image parce que tous ses auditeurs connaissent bien cette tradition biblique de Dieu Pasteur d’Israël, qui conduit son peuple dans son « exode » à travers le désert du Sinaï et dans son histoire.
Si les brebis sont sans pasteur pour les conduire là où se trouvent l’eau et le pâturage, elles se perdent et meurent en se dispersant. La brebis isolée se fait dévorer par les loups. Souvenons-nous de la parabole de la brebis perdue. Le bon pasteur laisse toutes les autres et part à sa recherche pour la ramener dans l’enclos. Le bon pasteur est celui qui connaît bien ses brebis. Et ses brebis connaissent tellement bien sa voix qu’elles lui font aveuglément confiance. Elles ne se trompent pas de pasteur ! Elles savent qu’en étant avec lui, elles trouveront l’eau et la nourriture. Comme dit si bien le Psaume 23 : « le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe verte, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre… ».
Jésus dans l’évangile nous invite à ne pas nous tromper de pasteur. Il y a tellement de pasteurs déguisés en loups. Ne nous laissons pas attirer par les faux bergers. Ne nous trompons pas de voix ! Ne nous laissons pas tromper ! Reconnaissons la voix de notre berger au milieu des bruits et des discours trompeurs. Pour reconnaître sa voix, prenons le temps de lire la Bible et de prier. Écoutons la voix de Celui qui nous parle dans le mystère de notre être. Ne nous laissons-pas attirer par toutes les voix qui nous sollicitent autour de nous par les canaux de la radio, de la télévision, du net, des publicités agressives affichées sur les murs de nos rues. Restons libres en demeurant attentifs à la voix du vrai Berger. Pour l’entendre, il faut parfois un peu de silence. Pour cela, il faut nous « débrancher », nous « déconnecter », enlever les écouteurs qui sont dans nos oreilles, oser fermer la radio et les portables…
Ne nous trompons pas de voix. Notre Berger nous appelle à le suivre en nous mettant au service du troupeau de mille manières. Écoutons sa voix qui nous appelle à vivre en liberté ! Et s’il nous appelle, répondons-lui. Ne fuyons pas. N’ayons pas peur. Sa voix nous appelle à sortir de nous-mêmes et à nous mettre au service des autres. Nous sommes si souvent égoïstes et nous vivons isolés, en ne pensant qu’à nous-mêmes. Vient inévitablement un jour où nous découvrons que notre vie n’a plus de sens… Pour retrouver le sens, écoutons cette voix du Seigneur au fond de nous ; retrouvons-la en prenant le temps de lire la Bible. La Voix du Berger nous appelle tous à le suivre pour trouver le bonheur.
Car notre Berger nous apprend que le secret du bonheur consiste à donner sa vie par amour, comme il l’a fait pour nous ; il le dit à deux reprises dans l’évangile : « je donne ma vie pour mes brebis ». Si nous suivons notre Pasteur, si nous entendons son appel, nous prendrons le même chemin que lui. Interrogeons-nous pour savoir de quelle manière le Seigneur nous appelle à donner comme lui notre vie pour les autres. On ne peut être vraiment chrétien qu’en étant au service de nos proches. Quels que soient notre état de vie et nos responsabilités, nous avons à trouver notre place dans la vie et la mission de l’Église en donnant un peu de nous-mêmes, simplement parce que nous avons beaucoup reçu.
Comme le dit saint Jean dans la deuxième lecture, l’amour du Père est tellement grand qu’il nous considère vraiment comme ses enfants. Nous avons certainement à redécouvrir que nous appartenons à une communauté, que nous formons un corps, que nous faisons partie du « troupeau » de Dieu, que nous sommes son peuple, que l’Église est avant tout une famille de frères et de sœurs. Nous avons tous été guéris, sauvés par le même Sauveur ; comme le dit Pierre aux autorités juives : « C’est grâce au nom de Jésus le Nazaréen, crucifié par vous, ressuscité par Dieu, c’est grâce à lui que cet homme se trouve là, devant vous, guéri. » Nous sommes tous et toutes des brebis perdues que Jésus est allé chercher très loin pour les rassembler dans son grand troupeau. L’Église est ainsi constituée de toutes les brebis perdues que « le grand Pasteur des brebis, notre Seigneur Jésus » (He 13,20), a sauvées. Car c’est Jésus seul qui nous a tous sauvés : « en dehors de lui, il n’y a pas de salut. Et son nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver », proclame l’apôtre Pierre (1ère lecture).
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.