Devant sa Bible ouverte au chapitre 30 d’Isaïe, Cecilia grimaçait. Elle avalait difficilement le propos du prophète. De Dieu, Isaïe disait : «Sa colère est ardente, écrasante, ses lèvres débordent d’indignation, sa langue est comme un feu dévorant.» (30, 27). Puis, un peu plus loin : «Le Seigneur fera entendre sa voix majestueuse et on verra s’abattre son bras, dans la violence de sa colère, dans la flamme d’un feu dévorant, dans une tornade de pluie et de grêle» (30, 30).
Il est beaucoup question de colère dans la Bible, en particulier dans le premier testament. Et plus souvent qu’à son tour, de colère divine. Le bibliste m’apprend que dans l’Ancien Testament, «les termes de colère sont employés pour Dieu environ cinq fois plus que pour l’homme» (Vocabulaire de théologie biblique, col. 180). Que faut-il en conclure?
Je crois que Dieu se révèle à nous en empruntant de multiples chemins. Y compris les routes rocailleuses qui ne nous sont pas confortables. Le peuple juif, celui que la Bible nous présente, croit que Dieu est présent partout, dans les événements heureux comme dans les calamités. Des prophètes ont pensé que les catastrophes étaient des interventions de Dieu pour punir les pécheurs. C’était avant tout, selon eux, des actes de justice.
D’autres croyaient que la colère de Dieu était surtout une manifestation de son amour. Quelque chose qui ressemblait à certaines sautes d’humeur de mon père quand il me reprochait ma mauvaise conduite. Je savais bien, ces jours-là comme les autres jours, que mon père m’aimait et ne cherchait que mon bien. C’était pour ainsi dire une déclaration d’amour. Dans l’Ancien Testament, Dieu s’est souvent révélé ainsi. On n’est pas loin alors de la miséricorde, de la bonté de Dieu dont le pardon appelle le changement de vie, la conversion.
On retrouve la colère de Dieu dans le Nouveau Testament. Jean Baptiste ne se gêne pas pour faire appel au courroux divin. Jésus lui-même n’hésite pas à évoquer la colère de Dieu. Pensons à la parabole du festin des noces. Les invités indignes subissent la colère du roi qui «envoya ses troupes, fit périr ces assassins et incendia leur ville» (Matthieu 22, 7).
Jésus – le Fils de Dieu! – se met en colère lui aussi. Ses invectives contre les pharisiens ont du mordant : «Engeance de vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, alors que vous êtes mauvais?» (Matthieu 12, 34) Jésus peste contre les villes qui n’ont pas accueilli sa Parole (Matthieu 11, 20). Il explose devant les marchands qui ont transformé le Temple en centre commercial (Matthieu 21, 12-17)!
La colère divine fait donc partie de notre expérience spirituelle. Elle nous rappelle que Dieu n’est pas bonasse, qu’il a du caractère! Qu’il agit à notre endroit en empruntant notre langage, nos manières de dire et de faire.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille interpréter les catastrophes et nos malheurs comme des interventions divines et des manifestations de sa violence. Les catastrophes sont des actes de la nature qui s’expliquent scientifiquement. Et si Dieu est présent dans nos malheurs, ce n’est pas pour nous punir mais pour nous soutenir dans nos difficultés. S’il lui arrive de «piquer une crise», c’est contre les mésaventures qui nous tombent dessus par un concours de circonstances plus ou moins explicables.
Cecilia, tu peux continuer de lire ta Bible. Même avec ses pages amères. Laisse-toi guider par l’Esprit. Il t’apprendra progressivement à reconnaître le vrai visage de Dieu que Jésus nous a révélé.