Parle-moi d’amour!
On pourrait dire que la troisième apparition, la dernière mentionnée par le 4e Évangile, dure encore. Le récit, en effet, s’ouvre sur l’intemporel d’une histoire de pêche et d’une belle rencontre d’amitié qui pourraient bien, et devraient même, ne jamais finir.
« Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes », avait dit Jésus aux premiers disciples qu’il appelait à le suivre alors qu’ils étaient là, préparant leurs filets au bord du lac. C’est là que nous les retrouvons, dans la barque, un beau matin après une longue nuit de pêche infructueuse.
Beaucoup de choses dans cette histoire sont à l’image de l’Église de tous les temps, qui se donne à la mission que le Seigneur lui a confiée. Cette Église ne peut connaître de succès que lorsqu’elle se met résolument à l’écoute de son Seigneur et qu’elle met en pratique les consignes qu’il lui a données : l’urgence de témoigner de la miséricorde du Père, l’annonce d’un Royaume de Justice, d’amour et de Paix, l’appel à tous pour une conversion.
Les disciples embarqués ce jour-là pour la pêche avec Simon Pierre représentent bien cette mise à l’œuvre d’une Église essentiellement missionnaire. Une mission que le Seigneur a initiée lui-même, qui est la sienne, et que nous sommes appelés à poursuivre en son Nom. Nous sommes une Église toujours en besoin de retrouver son Seigneur dans l’Eucharistie, symbolisée ici par ce petit déjeuner servi sur le rivage. Une Église appelée à se tenir dans l’intimité de son Seigneur, dans son amour. Une Église qui se laisse interpeler pour une réponse d’amour envers celui qui lui a déjà témoigné le plus grand amour.
La semaine dernière, un de mes confrères que j’estime beaucoup pour son engagement, son sens habituel de l’humour, sa belle simplicité, me disait au hasard d’une conversation : « Es-tu en amour avec Dieu? Est-ce que ton amour pour lui t’envahit à tel point que tout le reste ne compte plus vraiment? » J’avoue que sa question m’a pris au dépourvu. Le frère était-il en train de préparer son homélie pour ce dimanche? Je me suis senti mal-à-l’aise devant son insistance, son indiscrétion. Et j’ai alors compris l’embarras de Simon-Pierre qui se voit poser trois fois la même question par Jésus : « M’aimes-tu? »
Cette question nous est posée à chacun, chacune : Est-ce que j’aime Dieu? Est-ce que j’aime le Christ? Est-ce que cet amour remplit ma vie? Suis-je en amour avec Jésus assez pour prendre soin de ses amis, les petits et les pauvres, les laissés pour compte? Il n’est pas si facile de répondre : « Oui je t’aime, Seigneur. » Bien d’autres attraits viennent parfois nous distraire et prendre le dessus dans nos pensées et notre cœur. Nous ne savons pas bien vers qui penche notre cœur, de quoi il a peur, ce qui l’empêche d’aimer, Nous sommes pauvres et démunis en fait d’amour. Et pourtant c’est important d’y voir clair, pour ne pas nous faire d’illusion, pour être vrai et sincère avec Dieu.
Le Seigneur a besoin de notre amour au moment où il nous confie les siens. L’amour que nous avons pour lui nous fera bien assumer le service qu’il nous demande, qui est de prendre soin, d’écouter, d’accompagner ceux et celles qui désormais pourront voir en nous avec quel amour et quelle tendresse Dieu les aime et prend soin d’eux.
L’Eucharistie, c’est chaque fois le temps de nous laisser parler d’amour par le Seigneur. Lui le premier il nous a aimés et s’est livré pour nous. Notre amour pour lui n’est-il pas au fond ce même amour que nous avons les uns pour les autres et pour ceux vers lesquels il nous envoie?