Ma main glissait sur ce papier carton crème sur lequel nous avions décidé d’imprimer notre faire-part de mariage. Je me souviens de la douceur soyeuse qu’offrait sa paroi lisse. Chaque mot, pourtant si commun, prenait alors un sens si grand pour nous qui voyions graver l’engagement de nos vies ensemble. En partageant autour de nous cette joie d’aller vers l’avant, les commentaires désillusionnés ne furent pas long à fuser. « Profitez bien de ce jour, c’est le meilleur du mariage, car après… », « Pourquoi vous mariez-vous, puisque près d’un mariage sur deux se termine par un divorce? » , « Eh bien, bonne chance, mais bon, pour l’engagement à vie, il faut être réaliste de nos jours, ce n’est plus comme avant où les gens s’enduraient et ne pouvaient divorcer… »
Et moi j’insistais : « Nous nous marions pour la vie. Nous pouvons choisir que ce soit pour la vie. Bien sûr, il n’y a pas de garantie, on ne veut pas nier l’ampleur de la tâche, mais nous nous engageons à vie et prendrons les moyens pour cela. Si nous nous comptons battus d’avance, comment aller au bout de notre engagement? » C’était bien cela l’idée : lutter contre ce pessimisme ambiant qui voulait noyer tout élan de confiance, de naïveté, d’espérance et d’effort.
La société dans son ensemble scande son credo de la désillusion. Il n’y a qu’à voir en politique. Rien ne vient élever le débat. Les échanges se bâtissent à détruire l’image de tout un chacun, si bien que l’on n’a plus confiance en qui que ce soit. « Tous les mêmes, pfff! » Pourtant, des personnes désirant changer le monde et sincères, ça existe chez les politiciens! « Ah! Mais le système est tel qu’ils sont broyés par la machine… » Et si nous essayions de faire de la politique de construction ensemble plutôt que de démolition systématique?
Quant à l’Église, nous en avons l’image de ce que les médias veulent bien nous en donner : scandales, interdictions, histoire pas toujours glorieuse. Pourtant l’Église c’est aussi cela :
Soyons ces bâtisseurs d’espérance, qui à côté du monde sans illusion, construisent des monastères de foi en l’avenir, en l’engagement, en l’Amour toujours plus fort que tout.
Bâtissons notre mariage comme ces moines qui se défient de toute mauvaise presse, et construisent dans la joie un si grand projet. Et des décennies après la cérémonie, quand nous retomberons au hasard du ménage sur un faire-part de notre engagement, nous saurons que malgré les embûches que la vie nous aura réservées, nous avions raison d’y croire. Si j’avais la confiance, je construirais un mariage éternel.