Nous voilà dans la première semaine du printemps québécois. La neige se retire discrètement. On dirait une vieille couverture de laine qui rétrécit au lavage. Hier, dans l’après-midi, un voilier d’outardes dessinait sa flèche en direction d’un soleil radieux. Sur la rue, les passants défilaient en plus léger. Bientôt les crocus feront leur apparition. Les bourgeons vont s’ouvrir.
Même si elle arrive tardivement cette année, la fête de Pâques est à nos portes. Le carême, qui pourrait étaler la tristesse et l’ascèse sévère, se traverse joyeusement. Du moins dans mon esprit. Les rigueurs de l’hiver semblent appartenir au passé. La traditionnelle tempête de la Saint-Patrice nous a fait faux bond cette année. Bravo, la nature québécoise!
Toutefois… Toutefois, mes bravos sont gênants. J’hésite à me laisser aller aux réjouissances. Les Japonais traversent une saison moins ensoleillé. Séisme, tsunami, menace nucléaire… Les colères de la nature s’agglutinent sur ce pays. Et je m’en voudrais d’ignorer la tragédie.
De proche comme de loin, le Japon était beau comme un rêve merveilleux. Devant moi, la photo d’un cerisier en fleurs résume toute la beauté que les Japonais cultivent avec beaucoup de vénération.
Peuple stoïque dans l’adversité, le Japon n’en demeure pas moins blessé. Et la déchirure est profonde. Quels sentiments traversent l’esprit de ces enfants qui n’ont pas retrouvé leurs parents après l’école? Et cette épouse qui fouille des débris à la recherche de son mari? Et cette vieille femme encore vivante mais prisonnière dans les ruines de sa maison? Des milliers de morts. Des milliers de disparus. Des millions de malheurs.
Un confrère en mission à Sendai nous donne régulièrement des nouvelles. Il nous écrit : «À 14h46, ce vendredi, exactement une semaine après le tremblement de terre, tout le Japon a observé une minute de silence à la mémoire des victimes du tremblement de terre et du tsunami. Les personnes dans les refuges, même âgées et malades, se sont levées, et dans un silence recueilli ont marqué cette minute fatidique. Un puissant tsunami devait, peu après le tremblement de terre, emporter des milliers de personnes dans sa vague meurtrière. La date du 11 mars est désormais inscrite dans la mémoire du peuple japonais toujours, malgré tout, résolument tourné vers l’avenir.
«Ici, nous avons eu un moment de prière pour toutes les victimes et leurs parents et amis, pour tous les sinistrés qui vivent dans des conditions difficiles et pour tous ceux et celles qui, par leurs efforts, veulent aider à surmonter ce temps d’épreuve: que le Dieu de miséricorde et d’amour renouvelle notre espérance et que, là où tout n’est que ruines et désolation, nous fassions ressurgir la vie. Amen.» (Raymond Latour, o.p.)
Un «peuple… résolument tourné vers l’avenir», dit Raymond. Dans une entrevue à la radio canadienne, l’ambassadeur du Japon tenait un discours semblable. Tout en étant profondément bouleversé par ce que vont devenir les milliers de jeunes orphelins, Monsieur Ishikawa est convaincu que le peuple japonais va se relever de cette tragédie et connaître des saisons plus ensoleillées.
Même au Japon, l’hiver cède sa place au printemps…