Nous sortons d’une année horribilis, à bien des égards : les énormes tempêtes de neige, les nuées volcaniques interminables du printemps, la longue hémorragie d’un puits de pétrole dans le Golfe du Mexique, la secousse sismique désastreuse en Haïti, les épidémies, les inondations, et toujours la guerre. Nous avons eu peu de consolation et de répit en 2010. Nous commençons l’année 2011, blessés, fatigués, épuisés par tant d’épreuves. Qu’est-ce qui peut nous encourager et nous motiver pour l’avenir ? Nos rêves ne tiennent plus devant la réalité dure et sauvage que nous connaissons.
Un de mes confrères, chaque matin, en lisant le journal, me chante le même refrain. Il y aurait, selon lui, une conspiration des francs-maçons. Leur clique mystérieuse et tentaculaire maintiendrait captive l’élite de nos pays. Cette société secrète, bien organisée, serait la cause de beaucoup de nos malheurs. Mon confrère accuse aussi la juiverie internationale. Il dénonce l’activisme des frères musulmans qui, depuis l’Égypte, seraient en train de planifier l’hégémonie de Mahomet sur le monde. Il m’assure, par ailleurs, que nous sommes submergés par de libres-penseurs qui ont promis de faire disparaître la foi chrétienne. Nous assisterions ainsi à une conjuration généralisée et planétaire. Il n’y aurait, selon mon informateur privilégié, plus aucun recours, car, hélas! les jeux seraient faits.
De telles interprétations sont certainement exagérées, inexactes et même farfelues. Les rengaines de mon ami ne tiennent pas la route, c’est de la fiction. Je pense qu’il va dans le sens de notre goût pour les boucs émissaires que nous tenons responsables des catastrophes qui nous frappent. Une façon commode de supporter notre désarroi. Tant de choses nous dépassent. Comment arriver à comprendre? Comment interpréter ? Quelle sagesse nous donnera de faire la part des choses ? Nous avons perdu confiance devant un monde qui craque, et voilà !
Devant l’insurmontable et l’inévitable, nous pouvons inventer des chimères, nous évader, démissionner, nous distraire, sonner l’heure de la récréation. Et alors nous oublions que nous sommes responsables devant ce qui arrive. C’est à nous de chercher et de trouver un sens et des solutions. À quoi serviront nos épreuves, si elles ne nous instruisent pas et si elles ne nous donnent pas d’aller vers plus de solidarité, de coopération, vers une meilleure organisation du monde ?
Le changement d’année va-t-il changer nos attitudes ? C’est à chacun de le décider. Nous avons bien besoin d’un regard neuf et positif sur la vie. Il nous faut continuer de rêver grand et beau. Il faut laisser porter les questions, nous attachant avec courage à l’essentiel. Apprenons. Ne répétons plus toujours les mêmes erreurs. Soyons du côté de ceux et celles qui espèrent, qui réfléchissent, qui agissent, qui savent compatir et réconforter. Croyons en l’homme et la femme d’aujourd’hui et de demain, pour l’avenir du monde, pour l’amour de la Vie.