Avec Marie et Joseph, Jésus partage le destin des enfants exilés
Après le départ des mages, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »
Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode. Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils.
Après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et reviens au pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. »
Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël. Mais, apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
Regardons la sainte famille, telle que Matthieu la présente dans son évangile : il y a Marie, « la mère » de l’enfant (Mt 1,18 ; 2,11), Joseph, « l’époux » de Marie (Mt 1,19) et l’enfant à qui Joseph a donné le nom de « Jésus » (Mt 1,21.25). A deux reprises (2,13.20), l’ange dit à Joseph en songe : « lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis (ou mets-toi en route) ». Puis le texte ajoute : « Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère » et il partit (2,14.21). Dans tous ces récits, Joseph ne dit pas un seul mot. Il obéit simplement à l’ange et se met au service de « l’enfant et sa mère ». Il ressemble à son grand ancêtre Abraham à qui Dieu avait dit de quitter son pays avec sa famille et de partir vers le lieu qu’il lui indiquerait (Gn 12,1) ; et le texte de la Genèse continue : « Abraham partit comme le Seigneur le lui avait dit » (Gn 12,4). Comme Abraham (Gn 15,6), Joseph est un « homme juste » (Mt 1,19), c’est-à-dire quelqu’un qui entre docilement dans le projet mystérieux de Dieu, qui se laisse conduire par l’ange du Seigneur. C’est ainsi qu’il peut remplir une double mission.
D’abord, c’est lui qui donne un nom à l’enfant et, en faisant cela, il l’adopte et le fait entrer dans la généalogie du grand ancêtre David : l’ange ne s’est-il pas adressé à Joseph en l’appelant « fils de David » (Mt 1,20) ? Grâce à cet acte important, Jésus devient « fils de David », titre par lequel il sera si souvent appelé par ceux qui viendront vers lui (Mt 9,27 ; 12,23 ; 15,22 ; 20,30-31 ; 21,9 ; 22,42). Pour être le « Messie » attendu, le « Christ », il devait appartenir à la descendance de David (Mt 1,1). Matthieu souligne bien que c’est grâce à Joseph que Jésus devient « fils de David ».
D’autre part, Joseph veille efficacement sur la petite cellule familiale qui lui est confiée et il la sauve du tyran Hérode qui veut mettre à mort l’enfant. Joseph est un serviteur qui aime les siens et se dévoue pour eux. Il apparaît dans l’évangile comme un chef de famille qui prend les décisions graves : fuir en Égypte et en revenir. Il prend la route de l’exil avec les siens. Combien d’enfants sont aujourd’hui sur des routes d’exil avec ou sans leurs parents… Jésus partage ainsi le destin des enfants exilés de tous les temps : plus particulièrement aujourd’hui des enfants palestiniens qui vivent dans des camps de réfugiés depuis leur naissance, des enfants chrétiens irakiens contraints à fuir leur pays avec leurs parents parce qu’on en veut à leur vie, des nombreux réfugiés d’Afrique et d’Asie, des familles de « boat people » qui fuient leur pays pour venir en Europe pensant ainsi offrir à leurs enfants la sécurité et un avenir meilleur.
Le Dieu de la Bible est le Dieu des exilés. Il a migré avec les patriarches : avec Abraham, avec Jacob, avec Joseph, avec Moïse ; il a migré avec le peuple au désert du Sinaï, avec le peuple exilé à Babylone… Il avait sa tente au milieu du campement pendant l’Exode. Il a quitté son Temple de Jérusalem pour aller à Babylone afin de résider là où son peuple était déporté (voir le livre d’Ézéchiel aux chapitres 10-11). Jésus, l’Emmanuel, fuit aujourd’hui en Égypte. Il se conforme à cette habitude divine d’habiter et de migrer avec son peuple… comme Dieu durant l’Exode, l’Emmanuel vient habiter au milieu de son peuple : « Le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente au milieu de nous » (Jn 1,14). Jésus ne vient pas s’installer dans un lieu : le récit de saint Luc que nous avons entendu dans la nuit de Noël nous apprend que Jésus est né pendant un voyage et lui-même dira qu’il n’a pas d’endroit où reposer sa tête (Mt 8,20). Il s’installe au sein d’une famille, dans un peuple, dans une humanité. Sa demeure, sa famille, c’est nous tous. Il vient habiter parmi nous pour faire de nous sa famille. Quand Joseph adopte l’enfant, c’est nous tous qui l’accueillons et qui devenons la famille de Jésus (cf. Mt 12,46-50). L’Église pourrait-elle être autre chose que la famille de Jésus ouverte à tous les peuples ?
Que la paix et la joie de Dieu naissent donc en ces jours dans toutes nos familles, et tout particulièrement dans celles qui sont en danger sur les routes de l’exil, qui sont inquiètes et traversent des nuits d’angoisse et de peur. Que l’ange du Seigneur ou son étoile ou des « artisans de paix » (Mt 5,9) les conduisent et les sauvent de tous ceux qui pourraient leur faire du mal.