Parvenu à quatre-vingts ans, un homme relit son itinéraire dans le Québec de la modernité. Peut-on parler ici de mémoires? Dès les premières lignes, l’auteur s’en défend: «Je ne me propose pas ici d’écrire des mémoires. […] Je n’ai été qu’un acteur très effacé dans les grands débats qui ont secoué mon époque, et ce que je tente de décrire dans ces pages, c’est l’intensité et la nature du mouvement dans lequel j’ai été emporté, comme un fétu de paille par la tornade. Je ne juge pas, je ne regrette rien, je regarde, j’essaie de comprendre» (p. 6).
Paul-Émile Roy relit le 20e siècle québécois à partir de son enfance au Madawaska jusqu’au collège Saint-Laurent en banlieue de Montréal où il enseignera une grande partie de sa vie. En toute lucidité, il analyse les fruits – les savoureux comme les amers – de la Révolution tranquille. On appréciera particulièrement la quatrième partie intitulée «la révolution moderne».
La réflexion est sombre. L’auteur étale ses déceptions. Vous risquez d’être tenté d’abandonner la lecture. Persévérez. C’est dans la nuit que les étoiles se laissent voir. Pour comprendre le Québec actuel, ses mystères, ses grandeurs et ses échecs, Paul-Émile Roy tient un discours franc, sans détours.
La vaste culture de l’auteur, les chemins qu’il a empruntés au cours de sa vie, les rencontres qu’il a vécues, les penseurs qu’il a étudiés, tout cela accorde à cet intellectuel une sagesse qui le rend crédible et suscite le respect de ses lecteurs. On ne partage pas tout ce qui est dit dans ces quatre cent soixante-quinze pages, mais ces propos méritent qu’on les entende.