Les massacres de musulmans en prière à Christchurch nous ont horrifiés. Nous avons été aussi touchés par l’ampleur quasi universelle des manifestations de sympathie et de compassion que ces tueries ont suscitées. Ce carnage a permis aux humains de se rapprocher par-delà les barrières qui ordinairement les séparent et les opposent. Et c’est un très bon signe. Dommage que cet élan de solidarité ne se produit que lorsque le décor est sinistre. A croire que les humains ont besoin d’une shoah ou d’un tsunami pour éprouver un sentiment de fraternité.
Ceci dit, je regrette que dans ma ville – internationale – ce furent d’abord les associations musulmanes qui se mobilisèrent devant le siège genevois des Nations Unies. Pour se recueillir, mais aussi pour protester contre l’islamophobie, cette peste qui se répand de en Occident. J’aurais préféré voir des non musulmans aux premiers rangs de ces rassemblements, quitte à inviter toute la ville à s’associer à leur démarche. Je regrette aussi que lors des attentats djihadistes les musulmans ne furent pas les premiers à descendre dans la rue pour les dénoncer.
Ceci pour faire remarquer que les embrassades et les émotions d’un moment ne suffisent pas pour unir les humains. Le cœur peut bien s’attendrir, mais si l’esprit demeure embrumé par les non-dits et les préjugés rien ne sera guéri durablement et l’horreur pourra se répéter. Il faut donc prendre la peine de s’asseoir pour relire à tête reposée nos textes religieux ou patriotiques fondateurs dans le but d’extirper et d’exorciser tous les relents de haine et de violence que ces écrits pourraient contenir. En un mot, il faut interpréter leurs versets « scandaleux ». Tant que ce travail ne sera pas accompli, largement divulgué et assimilé, il faut craindre que ne surgissent de nouveaux crimes à tonalité raciste ou religieuse. Celui de Christchurch n’est hélas qu’un exemple parmi des centaines d’autres tout aussi abominables .
C’est pourquoi je veux encourager les intellectuels et chercheurs dignes de ce nom, quelle que soit leur nationalité ou leur religion, à entreprendre ou à poursuivre objectivement ce travail de désherbage et de dépoussiérage. Lui seul peut ramener à la raison des hommes qui s’étripent au nom de Dieu, de la race ou de la patrie. Il faut savoir aussi que les intellectuels courageux qui s’adonnent à cette tache courent un risque certain. Les fondamentalistes, les racistes et les fanatiques de tout bord ont l’habitude de dégainer dès que ces amoureux de la vérité élèvent leur voix. Les martyrs ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
fr.Guy Musy OP