La lecture de l’histoire récente est enrobée de frustrations et de préjugés à propos des croyants et des croyantes. Les médias ne ratent jamais une occasion de déblatérer sur le dos des catholiques. On semble se plaire à souligner les scandales sexuels ou autres commis par des membres du clergé. La hiérarchie de l’Église se fait discrète sur la place publique et, quand elle donne son opinion sur une question sociale, les journalistes ne relèvent pas ou peu la nouvelle à moins qu’elle discrédite les évêques ou le pape. Bref, le christianisme traverse une zone de turbulence, et cela non seulement au Québec, mais également dans l’ensemble de l’Occident.
Paul-Émile Roy tient un discours sous le signe de l’espérance. Loin de partager les opinions des détracteurs du christianisme et de l’Église, il présente la foi avant tout comme une liberté. «Quand on lit les lettres de Paul, on a l’impression que le signe premier du salut, c’est la liberté, liberté par rapport à la loi, aux institutions. En effet, pour le croyant, Dieu seul est Dieu, il n’est lié que par rapport à lui, et c’est cette relation à Dieu qui fonde sa relation aux autres, au monde, à la société. Les hommes ont tendance à mettre des dieux partout, à s’inventer des idoles qu’ils servent avec une ferveur infinie. La foi engage par rapport à Dieu, mais libère par rapport à tout le reste. C’est ce que signifie saint Paul en affirmant qu’il faut user de ce monde comme n’en usant pas, en opposant «l’homme psychique», celui qui n’a pas la foi, qui n’a pas l’Esprit de Dieu, à «l’homme spirituel», qui a l’Esprit de Dieu, et «juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne» (1 Corinthiens 2, 14-15). Saint Paul décrit ici des dispositions profondes qui ne dispensent évidemment pas de la prudence et du jugement pratique dans les situations concrètes de l’existence. Tout de suite après avoir rappelé aux Galates la liberté du croyant, il leur demande de se mettre au service les uns des autres (Galates 5, 13).» (p. 62)
Le livre de Paul-Émile Roy analyse les changements actuels de la société et leur impact sur la religion chrétienne. Dans des pages d’une rare netteté, il distingue et définit avec précision la foi, la culture chrétienne, le christianisme et la chrétienté. «La culture est précieuse, elle est un héritage. La foi est une semence, un petit grain de sénevé, un levain dans la pâte, une inspiration. La chrétienté est de l’ordre de la culture. (…) Elle est le produit de la vie de la foi, mais elle relève d’une époque, elle est reliée à une époque. La foi transcende les époques. (…) Le christianisme doit se débarrasser de ses frusques historiques pour se recentrer sur l’essentiel. (…) L’Église de demain doit se dépouiller de ses vêtements de chrétienté. Elle doit apparaître pour ce qu’elle est, la communauté des croyants, bien plus qu’une institution. Bien sûr, l’Église est aussi une institution, mais celle-ci est au service des croyants. Je vois l’Église de demain comme décentralisée, allégée de la carapace qu’elle a développée au cours des âges.» (p. 196)
On trouvera dans l’ouvrage de Paul-Émile Roy une réflexion pleine d’espérance, appuyée sur de solides références. Un acte de foi qui n’est pas dépourvu d’objectivité. «C’est ma conviction que la foi chrétienne ne peut mourir. Elle reste vivante dans les cendres même de la chrétienté et inspirera une nouvelle culture. Pas question de rafistoler des structures anciennes, de coudre des pièces nouvelles dans de vieux vêtements, de mettre le vin nouveau dans de vieilles outres. Dans l’ordre de la foi, l’histoire n’obéit pas aux règles du progrès continu, mais à celle de
la mort et de la résurrection.» (p. 158)